Cinema

Festival International du Film de La Rochelle. Paradis : Amour de Ulrich Seidl, brillant et dérangeant

06 July 2012 | PAR Margot Boutges

Vous reprendrez bien une tranche d’amour ? Le jury de Cannes a sacré Amour de Michael Haneke, qui retrace le chemin vers la mort d’un couple d’octogénaires (voir notre critique), plus grand film de la compétition 2012. Avec Paradis : Amour, les vacances au soleil décrites par Ulrich Seidl livrent une vision paradoxalement plus macabre du sentiment amoureux que celle de son compatriote autrichien. Le film, présenté en avant -première au festival de La Rochelle et dans les salles le 9 janvier 2013 n’en est pas moins une incontestable réussite.

La vie de Teresa, Autrichienne quinqua en surpoids, n’a rien d’un conte de fée. Elle surveille des handicapés mentaux la journée et retrouve son ado de fille qui n’a rien à lui dire le soir. Elle s’offre une soupape de rêve en s’envolant pour le Kenya où l’attendent sea, sex and sun. Teresa va devenir une « sugar mama », payant des jeunes et beaux hommes noirs pour quelques parties de jambes en l’air et, elle l’espère, un peu d’amour véritable.

Les critiques n’ont pas épargné Paradis : Amour, qui lui même n’épargne pas grand chose au spectateur. Le film a en effet tout pour déplaire, mettant en scène une galerie de personnages plus répugnants et caricaturaux les uns que les autres. D’un côté de la ligne de démarcation plage/transat dont l’affiche rend compte : de vieilles femmes blanches dont le physique repoussant n’a d’égale que la bêtise et le racisme. De l’autre : une brochette de noirs souriants agitant des colliers de pacotille près de la piscine ou leurs sexes dans des chambres à coucher décrépies.

Ce tableau sans nuance incarne pourtant à la perfection la façade exotique d’un tourisme qui n’a pas fait le deuil du colonialisme. L’Afrique servie aux occidentaux est aussi peu authentique que les musiciens folkloriques déguisés en zèbre qui reviennent avec la régularité de métronome scander « Djambo » et « Hakuna matata », seuls idiomes locaux acceptés dans le village vacances. On pense aux photographies délicieusement satiriques de Martin Parr qui a capturé les scènes les plus stéréotypées du tourisme avec un humour grinçant. Comme les clichés de Parr, les plans fixes de Seidl sont lumineux et surcadrés. Aucune chance de s’en échapper pour aller voir ailleurs.

Derrière les  cartes postales glauques se dessine la peinture d’une véritable détresse. Seidl filme sa triste héroïne endormie nue sur un lit, en odalisque plus digne de Bottero que de Titien, rêvant d’avoir rencontré quelqu’un qui saura l’aimer tandis que son amant fume une cigarette post-coïtale, enfin débarrassé du sourire « Banania » (c’est Teresa qui le dit) auquel le contraint son rôle. Les masques grotesques tombent.

C’est tragique et violent. Mais à aucun moment le film ne verse dans une descente aux enfers conventionnelle qui verrait la caméra s’étourdir. On suit Teresa, désespérément seule, dans ses lentes pérégrinations qui nous montrent une misère qui n’est rien d’autre que l’envers d’un dépliant touristique. Des images brillantes et dérangeantes.

Paradis : Amour de Ulrich Seidl, avec Margarete Tiesel, 2012, 2h, sortie le 9 janvier 2013

Festival International du Film de La Rochelle, du 29 juin au 8 juillet 2012

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Margot Boutges

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