
Down in Paris, la lumineuse balade de deuil d’Antony Hickling
Dans une atmosphère mélancolique, Antony Hickling fait le portrait de ses propres incapacités, et les cerne pour sans doute mieux les affronter. Un film en forme d’autoportrait attachant et brillant.
Richard, réalisateur britannique en tournage à Paris, bute sur une scène, et ne parvient pas à bien diriger son actrice. Errant ensuite dans la capitale plongée dans la nuit, il croise quelques anciens amants avec lesquels il peine à solder ses comptes, ou se rend chez sa voyante attitrée sans en sortir très rassuré. La mort de son père, aussi, lui reste en tête et le hante.
Down in Paris reste peut-être l’un des films d’Antony Hickling avec la forme la plus simple : il ne dérive pas vers des mondes parallèles à la façon du sublime Where horses go to die, et n’est pas constitué de fragments heurtés comme Frig. La particularité de cette proposition artistique-ci est que le réalisateur y interprète lui-même le rôle principal, personnage qui paraît très proche de lui. Loin de se glorifier, et loin de se noircir à outrance, Antony Hickling trouve ici la hauteur juste pour se cadrer lui-même. Ce faisant, il laisse de la place à ses doutes et à ses incapacités pour jaillir et habiter l’écran.
On retrouve dans ce film le travail qu’il semble beaucoup affectionner sur la lumière : elle sculpte différemment chaque lieu – rue où un ex est rencontré dans une atmosphère orageuse, appartement où le héros fait un point sur lui-même avec celui qu’il aima beaucoup (Manuel Blanc, toujours aussi charismatique et sensible), darkrooms… – et donne son rythme à cette balade nocturne. Travaillée, et couplée à la photographie aux belles teintes de Yann Gadaud, elle rend les plans beaux en laissant exister leurs ombres et les fantômes qui les habitent. Progressivement, l’âme du film semble émerger d’elle à pas lents, pas du tout pressés, envoûtants.
La grande justesse de la réalisation d’Antony Hickling, qu’on aima tant dans Where horses go to die, irrigue ici toutes les images, rendant cette promenade immersive au final, donc universelle : la longueur des séquences joue pas mal dans cette impression, le monde à l’écran ayant tout le temps de se déployer. L’aspect méditatif parvient bien jusqu’au spectateur aussi : aucunement occupées par des envies d’épater à tout prix, les scènes paraissent respirer. Une caractéristique que certains réalisateurs aujourd’hui laissent de côté, pour ne se concentrer que sur eux-mêmes… Ne reste alors qu’à plonger, et à passer un peu de temps aux côtés des figures croisées par le cinéaste-acteur (telle Dominique Frot, qui fait sonner sa voix et sa personnalité terriennes magnifiquement en voyante), occupé à se mesurer à ses propres murs.
Down in Paris sort dans les salles de cinéma françaises le 2 mars, distribué par Optimale.
Visuels : © Optimale Distribution