“Where horses go to die” : la pépite crépusculaire de l’Étrange Festival 2016
En première mondiale, le réalisateur de Little Gay Boy a pu présenter sa nouvelle oeuvre dans la section “Mondovision” de l’Étrange Festival. Son talent, et celui de toute son équipe, ont éclaté au fil de cette mini-odyssée onirique, sensible et sincère. A voir en salles, allez !
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C’est un film qui commence par un crépuscule. Une fin de journée qui voit un peintre un peu âgé, un peu fatigué, marcher à la rencontre de personnes à part. Parmi elles, deux transsexuelles, Divine et Manuela, et une chanteuse de bar également prostituée, Candice, toutes trois un peu lasses, aussi. Sur le quai où la rencontre a lieu, les éclairages naissants sont captés à vif, sans embellissement. La caméra d’Antony Hickling, d’une sobriété exemplaire, capte une part de monde, en laissant toute la place aux acteurs. On les suit avec intérêt dans un café, puis dans un club de nuit à Pigalle, et enfin dans l’imaginaire du peintre, qui se représente ces trois personnes croisées, et essaye d’approcher leur mystère…
C’est un film qui étonne par sa remarquable unité : mélangeant – au moins – deux univers différents, réalité crue et rêve, il les capte un peu de la même façon – en des images sobres et pourtant élégiaques – comme pour déverser un peu d’onirique dans le réel, et inversement. Ses scènes, très simples, côtoient des passages où le ton varie brusquement : une opération de changement de sexe délirante, quelques brèves pauses musicales parfois dansées, toujours flamboyantes, des métaphores, traduites à coups d’esthétique pas écrasante…
Le monde de rêve, lui, est imaginé par le peintre Daniel, joué par Jean-Christophe Bouvet. Le film le figure de façon très juste : des scènes de vie décalées le composent, sises dans une maison imaginaire à la campagne, dont les souterrains recèlent des passages secrets vers le passé de nos personnages. Nul besoin d’effets spéciaux pour traduire cet univers : des idées, une caméra à la hauteur de ce qu’elle observe, et de splendides interprètes, suffisent. On sent les efforts que ces protagonistes font pour rester droits dans leur identité.
Et le contraste entre la crudité souterraine de l’univers décrit et la douceur des passages dialogués saisit aussi d’emblée : on garde en tête la scène du café, où Divine – magnifique Walter Dickerson – raconte quelques épisodes de sa vie à Daniel. C’est aussi un film extrêmement pudique – à interdire, peut-être, aux moins de 12 ans, mais pas de 16 – qui semble avoir recours au décalage pour donner à sentir les difficultés, sans en faire trop.
Where horses go to die, donc, ou un film traversé par un souffle crépusculaire discret, à la fois, simple, clair, et chargé d’éléments secrets. Au final, c’est un film qu’on a envie d’acheter, à la sortie de la salle, pour l’emmener chez soi et le revoir, plusieurs fois. De façon à explorer encore ses mystères. On souhaite qu’il connaisse, malgré sa durée brève – 1h07 – une diffusion en salles en France. Pour que d’autres encore puissent le découvrir.
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Visuel : © Hickling & Allen Films