
Décès de Saul Zaentz, producteur indépendant de classiques du cinéma
Le producteur de cinéma américain Saul Zaentz est mort vendredi 3 janvier à 92 ans. La trace qu’il laisse dans l’histoire du cinéma américain est des plus singulières : s’il a produit des films qui comptent aujourd’hui parmi les plus grands classiques du septième art, il a travaillé toute sa vie à l’écart d’Hollywood, à sa façon, en collaboration étroite avec les réalisateurs. On a pu dire qu’il a œuvré de façon indépendante, qu’il a toujours cherché à rester en marge. Mais les titres qu’il a produits donnent aujourd’hui un sens curieux à cette appellation. A la fois très personnels et très grand public, ils méritent qu’on se penche sur eux.
Saul Zaentz avait ses exigences et ses techniques : il ne produisait qu’un film à la fois. Il commence par travailler dans la production musicale puis se lance, à 50 ans, dans le cinéma, en misant sur des sujets difficiles a priori et des noms peu connus, traités par des réalisateurs auxquels il restera fidèle. Des succès lui permettront d’établir ses propres studios à Berkeley, à côté de San Francisco.
En 1975, premier pari: il produit Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman. Le film se déroule dans un hôpital psychiatrique, cadre peu traité au cinéma, dans lequel Jack Nicholson, star montante à l’époque, se trouve enfermé. Ce rôle difficile lui vaut son premier Oscar du meilleur acteur. Le film remporte cinq statuettes en tout, et Saul Zaentz, producteur, décroche son premier Oscar du meilleur film. Vol au-dessus d’un nid de coucou est aujourd’hui un classique.
Plutôt que de continuer dans le drame psychologique, il se lance, en 1978, dans la production de la toute première adaptation du Seigneur des anneaux au cinéma, réalisée, sous forme de dessin animé, par Ralph Bakshi. Déjà, à l’époque, cette adaptation apparaît démesurée et plutôt « adulte» : elle mélange différentes techniques d’animation, prend en charge la moitié du roman, dure 2h15, durée inhabituelle dans l’animation. Au final, c’est un semi-échec.
En 1984, il décide de dédier entièrement un film à la musique classique. C’est Amadeus, prévu au départ comme un film biographique sur Mozart. Il retrouve Milos Forman qui compose une oeuvre très ambitieuse, avec un scénario touffu fondé sur les extrêmes du caractère du célèbre compositeur. Le générique ne compte aucun interprète connu. Résultat : huit Oscars, un deuxième Oscar du meilleur film pour Saul Zaentz, et un statut de film classique pour Amadeus.
Il ne cessera, par la suite, de se confronter à la démesure. Il récoltera des échecs critiques comme L’Insoutenable Légèreté de l’être en 1988, ou publics comme En liberté dans les champs du seigneur en 1991, et, beaucoup plus tardivement, Les Fantômes de Goya, de Milos Forman, en 2006. Sa dernière contribution dite « classique » au cinéma sera Le Patient anglais, en 1996, qui lui vaudra son troisième Oscar du meilleur film, et en remportera huit autres.
Vol au-dessus d’un nid de coucou, Amadeus, Le Patient anglais : trois exemples de films qui donnent foi dans le pouvoir du cinéma. Trois films produits de façon indépendante à leur époque, caractéristiques des exigences de Saul Zaentz, toujours entre efficacité et prise de risque, entre grands sentiments éminemment cinématographiques et démesure. Résultat double : Oscars d’une part, et valeur éternelle en prime. Recette gagnante.
Visuel: (c) affiches Vol au-dessus d’un nid de coucou / Le Seigneur des anneaux / Amadeus