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[Critique] « Retour à Ithaque » de Laurent Cantet : de bien belles conversations dans la nuit cubaine
Après Foxfire, film tourné aux Etats-Unis, Laurent Cantet nous livre ce Retour… , chronique cubaine d’une nuit de souvenirs. Cinq excellents acteurs, qui ont mis tout leur vécu dans le projet, parlent. Mais rien de théâtral ici : Retour à Ithaque est un vrai film, où la caméra se fait discrète afin de capter la parole, mais aussi présente, pour faire exister et nous rendre proches cinq personnages émouvants.
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Dans ce sixième film sortant en salles, Laurent Cantet conserve plus que jamais son envie de peindre des ensembles. En l’occurrence un groupe d’amis, réunis sur le toit d’un immeuble de La Havane, aménagé en terrasse. Ils ne quitteront pas cet espace. Et le film ne se déroule que sur une nuit. Pas de grand événement en perspective. C’est que ces derniers sont derrière nos cinq personnages. Leurs espoirs en les promesses de l’Etat cubain ont été déçus. Leur croyance en la dissidence également. Ce soir, la nuit est douce, et les vieilles chansons qu’ils aimaient retentissent. Au matin, auront-ils retrouvé le sens de leur vie ?
Le prétexte à cette réunion ? Amadeo, la cinquantaine comme ses amis, est revenu d’Espagne. Où il a passé seize années en exil. Ce soir, tous vont apprendre avec stupeur qu’il veut rester. Pourtant, il n’y a plus rien de valable, dans le pays, depuis la ruine économique qui a accompagné la chute de l’Union soviétique… L’histoire cubaine est interrogée sans lourdeur par le scénario écrit par L. Cantet et l’écrivain Leonardo Padura (qui se sont fait aider de Lucia Lopez Coll). Car bien que les personnages soient tous des intellectuels, chacun a réagi différemment, dans sa jeunesse, au contexte hérité du processus révolutionnaire des années 60. Il y a Rafa, la grande gueule, lentement contraint à l’inaction ; Eddy, le faux matérialiste… Et puis Tania, qui a vu ses enfants la quitter. Tania qui regarde la génération suivante avec inquiétude. Et Aldo, dont on verra le fils, Yoenis. Tellement désireux de quitter Cuba, pour gagner de l’argent à l’étranger… Le tableau est peu reluisant. Les promesses et espoirs déçus sont durs à regarder en face. D’autant plus qu’ils ont encore des conséquences…
Bien sûr, le scénario a prévu des révélations. Dont certaines, d’ailleurs, seront un peu trop soulignées et feront voir les ficelles. Mais son but est atteint : on traverse, en une heure et demie, le Cuba des années 80. Car la caméra de Laurent Cantet fait le choix de se mettre à la taille de l’espace et de ses occupants, et d’écouter. Nul effet superflu. Nul plan exagérément signifiant. On apprend grâce aux petites histoires que se remémore cette bande. Des récits anodins, mais très humains, donc chargés de beaucoup de force. Faut-il enfin préciser que les inteprètes sont excellents ? Fernando Hechavarria (Rafa) et ses yeux expressifs, durs et puis tout à coup fissurés ; Isabel Santos (Tania), femme virevoltante et tout à coup en larmes au souvenir de ses fils ; Jorge Perugorria (Eddy), touche comique bienvenue… Tous partent d’une note joyeuse, et révèlent peu à peu leur for intérieur, en des dialogues très écrits. Les ruptures donnent au film son rythme. Et l’humain est partout.
Visuel : © Haut et Court
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