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[Critique] « L’Oranais » : des grands destins et leurs victimes
Ce second long-métrage de Lyes Salem embrasse vingt ans d’histoire algérienne. Pas au niveau des grands événements : ce sont leurs conséquences sur des destins individuels qui intéressent l’acteur-réalisateur. Grande et petites histoires dialoguent, l’une faisant du mal aux autres, au cours d’un film émouvant et très bien réalisé.
A noter : Une rencontre est organisée avec Lyes Salem autour de la projection de L’Oranais le 12 novembre à 20h30, dans le cadre du Festival franco-arabe qui a lieu du 7 au 16 novembre, au Trianon de Romainville.
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Ils n’avaient rien demandé. La marche de l’histoire les a entraînés. Le résultat ? Une exaltation immense, et puis… A l’issue de L’Oranais, on ne connaîtra pas par cœur la suite d’événements qui ont gâché les utopies de l’indépendance algérienne. Car cette seconde réalisation de Lyes Salem débouche, en fin de compte, sur un constat universel.
Le jour où commence le film, Djaffar découvre que son ami Hamid est entré au maquis, avec ceux qui se battent pour l’indépendance de l’Algérie. Au soir de cette journée, il entrera lui aussi, et involontairement, dans ce combat. Et une ellipse sera faite. Cinq ans plus tard, revoici « l’Oranais » dans sa ville d’origine. Son pays a gagné. Et lui est devenu un héros. Mais une mauvaise nouvelle l’attend. Doublée d’une curieuse surprise… Par la suite, on va le voir, Djaffar, tenir son rôle de fonctionnaire du nouvel état. Au final, les utopies envolées s’accompagneront, pour lui, d’un douloureux constat… Qui débouchera tout de même sur un rapprochement…
La fin de L’Oranais rend triste. Mais le film est rempli de vie. Il reste focalisé sur un groupe, excellemment interprété (par Khaled Benaissa notamment, soldat devenu fonctionnaire, lucide mais égaré). Vis-à-vis de sa thématique, déjà vue pas mal de fois dans des films, qu’apporte-t-il ? Une mise à scène qui se concentre sur les corps. Qui se laisse aller, de temps à autre, à jouer dans l’exagération. Celui de Lyes Salem acteur, doté de grands yeux expressifs, amène certaines scènes du côté du burlesque. En résulte une fraîcheur, qui nous amène à découvrir cette indépendance nouvelle avec lui, dans ses fonctions.
Les corps vieillissent, prennent sur eux les marques et les coups de l’histoire. Les dissensions présentes après l’indépendance s’incarnent dans leurs attitudes. Enfin, on pourrait penser que L’Oranais, du fait de son universalité, ne dit rien sur l’Algérie actuelle. Faux : ces parcours filmés à hauteur d’hommes semblent être ceux d’un peuple qui s’est laissé entraîner par un destin plus grand que lui. Et qui a sans doute beaucoup perdu en route…
L’Oranais, un film réalisé et interprété par Lyes Salem, avec aussi Khaled Benaissa, Najib Oudghiri, Djemel Barek, Sabrina Ouazani, Miglen Mirtchev. Comédie dramatique algérienne. Durée : 2h08. Sortie le 19 novembre.
Visuels : © Jean-Claude Lother