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Cannes 2023, Compétition : Les Filles d’Olfa, dure introspection en demi-teinte

Cannes 2023, Compétition : Les Filles d’Olfa, dure introspection en demi-teinte

21 May 2023 | PAR Geoffrey Nabavian

Plongeant dans un sujet fort et essentiel tout autant que tragique, l’excellente réalisatrice Kaouther Ben Hania donne un film où l’on perçoit quelques défauts.

Ce long-métrage n’est pas un documentaire. Il se met en prise avec de vrais événements : la perte au sein d’une famille arabe des deux filles aînées, parties faire la “guerre sainte” en Libye. Le but de cette démarche étant de regarder en face les blessures pour comprendre. Cependant, des actrices sont convoquées pour incarner les deux disparues, et d’autres interprètes prennent le relai des membres restantes de ladite famille dans les scènes “trop dures”.

L’histoire d’Olfa et de ses quatre filles reste jalonnée de grands instants difficiles. Désir des hommes, poids des traditions, absence de père : de nombreux sujets à explorer, afin de comprendre au final le départ des deux aînées. L’excellente réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania (La Belle et la Meute, L’Homme qui a vendu sa peau) l’ausculte dans l’ordre chronologique, tout en laissant ses interprètes, et l’imprévu, perturber un peu sa démarche.

Au final, on a cependant, malheureusement, l’impression de s’approcher de la vérité de cette histoire que par intermittences. Déjà, on peut juger la musique du film un peu envahissante et pas forcément utile. On peut trouver qu’elle souligne quelque peu, au lieu d’accompagner.

Ensuite, on a parfois la sensation que la part d’imprévue laissée, nécessaire en soi dans une telle démarche, amène le film à manquer de tenue au final. On peut trouver que trop de séquences apparaissent comme des “scènes de coulisses”, sans enjeu. Sans enjeu autre, bien  sûr, que de laisser respirer interprètes et véritables personnes en train de confier leurs existences. Des instants donc nécessaires mais peut-être trop présents au sein de la version finale. On aurait bien vu un montage plus sec et serré.

Il n’empêche que le film sait laisser advenir, via sa forme, d‘intense instants dans lesquels les émotions sortent malgré elles. Avec parfois, de grandes choses à affronter, enfin dites. En prime, et c’est une qualité précieuse, il n’explique pas tout à outrance. La bonne figure que s’échine à faire Olfa, son sourire hantant, et ce malgré tout le malheur, demeurent un mystère au final. Et ce n’est peut-être pas plus mal.

Le Festival de Cannes 2023 continue jusqu’au 27 mai.

Retrouvez tous les films du Festival dans notre dossier Cannes 2023

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Visuel : affiche des Filles d’Olfa © Silenzio (création par Florent Jarroir)

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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