
Cannes 2019, Un certain regard : “Nina Wu”, portrait subtil et bien mis en scène
Très remarqué pour Adieu Mandalay, le réalisateur Midi Z trace dans son nouveau film le portrait d’une actrice dans Taïwan, aujourd’hui. Ses atouts : un œil de réalisateur et une actrice brillante.
Nina Wu est le portrait d’une aspirante actrice dans la société taïwanaise aujourd’hui, guère évidente, selon les images qu’en donne le réalisateur Midi Z. Celui qui fut révélé en 2017 grâce à Adieu Mandalay – film sur l’odyssée de migrants en Birmanie – donne cependant à cette histoire et à ce cadre pas nouveaux une coloration particulière. Sa réalisation, sobre, parvient à parfaitement transmettre la crudité, et le vide, des espaces et des situations traversés par sa protagoniste principale. Restaurants déserts, décors froids du premier long-métrage dans lequel elle tourne : le cadre dans lequel se déroule le scénario captive et tient en haleine. Davantage qu’une dénonciation ou qu’une critique directe, il sait suggérer parfaitement les pièges qui guettent Nina Wu, l’héroïne.
Celle qui l’incarne, Wu Ke-xi, est en tout point remarquable : charismatique, et apte à suggérer son trouble de manière fine, sans trop en faire, elle entraîne à sa suite. Les scènes de “film dans le film”, où elle donne tout ce qu’elle a et ressent pour des scènes émotionnellement difficiles, passionnent. Mais autour d’elle, tous apparaissent très convaincants : ce père, par exemple, qui la somme, au temps des fêtes de fin d’année, de devenir vite célèbre, afin que lui et tous les membres de sa famille puissent vivre sur ses revenus. Ou encore son agent, et surtout le réalisateur du film d’espionnage dont elle tient le rôle principal, et qui demeure la chance de sa vie : ce cinéaste n’hésite pas, pour la pousser à bout, à la frapper…
Nina Wu apparaît ainsi comme un portrait dur, mais empli de nuances et de sensibilité souterraine aussi, au sein duquel le talent de Midi Z impose un silence, une tension souterraine et un arrière-plan frappants salutaires. Un film engagé mais également très personnel, en somme.
Geoffrey Nabavian
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Visuels : © Epicentre Films