
Cannes 2018 : “Le Grand Cirque mystique”, assez beau récit merveilleux
Signé par le réalisateur brésilien Carlos Diegues, ce film hors compétition à Cannes 2018 sait dérouler son odyssée familiale avec style, originalité, et mystère.
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Le Grand Cirque mystique apparaît d’emblée comme un film de fiction mystérieux, au côté dramatique prononcé, mis en équilibre avec du merveilleux : il raconte, sur cent ans, la trajectoire d’une famille brésilienne propriétaire d’un cirque. Son récit, fluide et prenant, confronte à du mystère autant qu’à des éléments de contexte réalistes.
Le premier couple à rentrer en piste est formé par Fred, fils de famille aisée du début XXe siècle (joué par le sensible Rafael Lozano, vu dans la série 3 %), et Beatriz la fascinante danseuse (Bruna Linzmeyer, actrice dans Rio I love you). Ils inaugurent, à la suite d’un concours de circonstances, le Grand Cirque Mystique. Suivront, à l’image, leurs descendants : Charlotte (Marina Provenzzano), confrontée à Jean-Paul (Vincent Cassel, charismatique en diable, dans tous ses registres), son mari comédien et amant expert, hélas infidèle et colérique ; puis leur fils, Oto (Juliano Cazarré, intense, et aperçu dans 360 ou Rodeo), amoureux de sa soeur ; puis sa fille, taraudée par des doutes religieux, qui aura elle-même des jumelles (les joviales Amanda Britto et Louise Britto) douées d’étranges pouvoirs. Cette galerie de portraits gravite, tout au long du film, autour de l’espace du Grand Cirque Mystique, qui oscille au fil des décennies entre prospérité et déficit.
Tous les personnages actifs dans cette histoire sont formidablement interprétés : la troupe d’acteurs apparaît prise, tout du long, au coeur d’un formidable engagement collectif. D’autant plus que dans le rôle du Monsieur Loyal du cirque, et personnage-clé du scénario et du film, on retrouve l’acteur Jésuita Barbosa (vu dans Praia do futuro, et Favelas), à la présence magnétique et incroyable.
A la direction de ce petit monde, le célèbre réalisateur brésilien Carlos Diegues (Joanna Francesa avec Jeanne Moreau en 1973, Bye bye Brasil en 1980, Quilombo en 1984…) impose une mise en scène toute en fluidité, avec du souffle. Il donne à voir, dans les moments d’opulence, des scènes de cirque flamboyantes, avec animaux et tours explosifs. Il sait prendre son temps, et donne l’occasion à de vrais numéros d’exister à l’écran. Et dans les périodes de délabrement, son oeil de réalisateur rend le lieu de l’histoire émouvant, habité par la tristesse ou l’inquiétude. Il sait mettre toute l’énergie, la maîtrise et la sensibilité nécessaire dans la conduite de cette histoire. Et on admire la manière dont sa caméra virevolte et donne à voir ce qu’elle filme sous tous les angles, aidée en renfort par une photo très esthétique qui magnifie le cadre, même lorsque le cirque est déserté.
L’intérêt du récit est qu’il traverse plusieurs tons, et un grand nombre d’univers différents, s’aventurant à deux pas du réalisme, par exemple, lorsqu’Oto, amoureux de sa soeur et dépressif, se lance dans une promenade dans une petite ville brésilienne et dans ses bars. Si le scénario connaît quelques coups de mou, et si le sens global du film, et de certains de ses symboles, apparaissent un peu énigmatiques au final, il n’en reste pas moins que des scènes marquent profondément, à l’image de l’ultime coït vécu par Charlotte, ou d’un ballet magique splendide qui survient vers la fin. Une gravité sourd également sous certaines scènes cocasses, donnant à ce film élégant une certaine ampleur…
Film présenté hors compétition à Cannes 2018, Le Grand Cirque mystique sortira dans les salles françaises le 18 juillet.
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Geoffrey Nabavian
Visuels : © Bodega Films