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[Interview] Danis Tanovic : “La femme du ferrailleur est peut-être un nouveau genre de film”

[Interview] Danis Tanovic : “La femme du ferrailleur est peut-être un nouveau genre de film”

21 February 2014 | PAR Yaël Hirsch

A la Berlinale 2013, nous avions eu la chance de découvrir avant tout le monde le film à la fois terrible et sublime de Danis Tanovic, La femme du ferrailleur, qui a décroché l’Ours d’argent. Joué par ses vrais protagonistes, le film raconte l’histoire d’un couple de roms en Bosnie dont la femme risque de mourir parce qu’ils n’ont pas assez d’argent pour payer l’opération qui lui est nécessaire. Il vient de sortir en France (le 19 février) et nous devions rencontrer le réalisateur un peu avant cette échéance à Paris. Mais les manifestations en Bosnie l’ont contraint à rester auprès de sa famille. Il nous a donc répondu par téléphone, juste avant d’aller retrouver ses étudiants en cinéma..

 

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Comment vont les deux acteurs de votre film, Senada Alimanovic et Nazif Mujic, qui ont essayé d’aller vivre en Allemagne mais sont retenus dans un foyer de demandeurs d’asile ?
Je n’étais pas là quand ils sont partis. Nazif avait trouvé un travail d’animateur auprès d’un des lacs artificiels de la région de Sarajevo, mais c’était un peu loin et il a quitté cet emploi. Ils ont voulu aller vivre en Allemagne, mais c’était une erreur. On leur avait dit que ce serait difficile de recevoir leur demande d’asile. J’ai eu des nouvelles par ma productrice qui était à la Berlinale cette année. Ils devaient être expulsés fin février mais on leur a trouvé un avocat qui s’occupe de leur cas. Mais ça peut prendre longtemps.

La femme du ferrailleur part d’un fait divers. Comment avez-vous eu l’idée de réaliser le film avec ceux qui ont vécu l’anecdote?
Quand j’ai lu cette histoire, je me suis dit que ce n’était pas possible, qu’on ne pouvait pas laisser mourir une femme parce qu’elle n’avait pas l’argent pour payer une petite intervention médicale. J’ai rencontré Nazif et Senada, nous avons discuté, j’étais sûr de vouloir tourner. Mais je savais que j’aurais très peu de budget. Je ne voulais pas faire de documentaire traditionnel et je savais que j’aurais trop peu d’argent pour faire une fiction. or, cela faisait longtemps que je voulais prouver à mes étudiants qu’on pouvait faire un beau film avec peu de moyens. J’ai donc eu l’idée de demander à Nazif et Senada s’ils étaient partants pour jouer leur propre histoire. C’était bien pour eux, car on allait les payer. Et c’est quelque chose qui n’a jamais été fait. C’est peut-être un nouveau genre de cinéma.

Ce n’était pas trop difficile pour eux de revivre leur histoire?
D’abord on les a bien traités. Et en plus, on faisait très peu de prises, je trouvais qu’après deux ou trois répétitions, ils n’étaient plus naturels. Ce ne sont pas des acteurs, je voulais que ça reste dans l’instant. En tout, le tournage a duré 9 jours.

Dans le film, vous abordez un sujet très intime, mais aussi avec beaucoup de pudeur ce qui donne encore plus de force au film. Était-ce calculé ?
Je suis quelqu’un de pudique, enfin je crois que c’est ma manière d’être. Ce qui comptait pour moi c’était que l’amour qu’il y a entre ces deux personnes, et toute l’entraide de leurs voisins se ressente. C’était ça le plus important. Je ne fais pas des films à message. Je pose juste des questions et j’espère que des gens plus intelligents sauront répondre à ces questions.

Dans votre pays, le film a-t-il interpellé “des gens très intelligents avec les solutions?”
Malheureusement pas, il n’y pas eu beaucoup de débat. La Bosnie n’est pas la France; il y a beaucoup de gens dans le cas de Senada mais ici, les gens se résignent. Il faut dire aussi qu’il n’y a pas plus d’une trentaine de cinémas. J’attends donc que le film passe à la télévision où il touchera beaucoup plus de gens pour voir s’il entraîne plus de réactions.

Mais une telle situation peut aussi toucher d’autres pays, non? Je pensais par exemple aux Etats-unis.
Oui, j’étais à New-York, il y a quelques semaines et on m’a dit que ça arrivait tous les jours. Le film a beaucoup été vu, dans de nombreux festivals internationaux et j’ai appris que même en Suède ce genre de cas existait…

Visuel : Yael Hirsch & Olivia Leboyer

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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