[Critique] L’insouciance de « La Belle jeunesse » se perd dans de profondes trivialités
Derrière un drame social au scénario attendu, Jaime Rosales fait le portrait d’un jeune couple espagnol dont la noirceur du quotidien renferme une légèreté, à la fois sublime et déroutante.
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Synopsis officiel : Natalia et Carlos sont deux jeunes amoureux de 20 ans qui se battent pour survivre dans l’Espagne d’aujourd’hui. Remises de C.V., petits boulots, tournage d’un porno amateur : ils essaient de s’en sortir au jour le jour. Face à une crise qui n’en finit plus, les espoirs d’une vie meilleure se fragilisent. Et quand Natalia se découvre enceinte, les petits arrangements ne suffisent plus.
Dans La Belle jeunesse, Jaime Rosales dépeint le quotidien de ce jeune couple, en lutte perpétuelle face à l’austérité d’une crise économique qui les étouffe. De la grossesse non désirée de Natalia (Ingrid García-Jonsson) à sa recherche désespérée d’un travail décent, la dureté des événements s’accumule, et la jeunesse s’enfonce peu à peu dans un gouffre sans fond. Pourtant, évitant soigneusement de tomber dans le pathétique, le cinéaste met en lumière le réjouissant optimisme qui anime les personnages. Par leur insouciance, et cet espoir d’un avenir meilleur, Natalia et Carlos (Carlos Rodríguez) profitent de chaque opportunité, aussi bouleversante soit-elle.
Seul film hispanique sélectionné pour le Festival de Cannes, La Belle jeunesse se démarque par l’originalité de sa réalisation. Brisant les codes d’une prise de vue traditionnelle, Jaime Rosales mêle des scènes tournées en 16mm et des images prises par les acteurs eux-mêmes. Après l’annonce de la grossesse de Natalia, ce sont des messages et des photos directement tirés de leur smartphone qui comblent l’ellipse temporelle suggérée. Privées de son, ces scènes déroutent, mais s’insèrent finalement dans ce tournant technologique en se rapprochant au plus près de la jeunesse 2.0.
Derrière la multiplicité de sa forme et le poignant réalisme qui en ressort, le film se perd pourtant dans des trivialités répétées. Celles d’une réalité sociale qui tourne en rond et dans laquelle les personnages ne pourront jamais sortir : les scènes s’enchainent, se ressemblent et se répètent dans cette tranche de vie noyée par la crise. Pourtant, l’esthétisme accordé à la réalisation, son silence oppressant et le profond naturel qui se dégage des acteurs font de La Belle jeunesse un drame social lumineux, ancré dans une réalité à la fois sinistre et réjouissante.
La Belle jeunesse, réalisé par Jaime Rosales, durée 1h43, en salle le 10 décembre 2014.
Visuels : © Bodega Films