[Critique] du film « De sas en sas » Rachida Brakni donne la parole aux familles de prisonniers
Rachida Brakni a choisi de nous parler des familles de prisonniers pour son premier film qui prend la forme d’un huit-clos carcéral réunissant des mères, filles et sœurs venues rendre visite à un proche au parloir. De sas en sas offre de beaux portraits de femmes (Zita Hanrot et Samira Brahmia brillent) mais se perd parfois dans des effets théâtraux et une dramatisation forcée qui affecte le réalisme du récit. Notre critique.
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Extrait du synopsis officiel : En une brûlante journée d’été 2013, Fatma et sa fille Nora prennent la route pour la prison de Fleury-Mérogis. Sur le parking, une petite foule de visiteurs attend déjà. La porte de l’établissement s’ouvre. Une première porte, un premier sas, un premier couloir… C’est le début d’un trajet infernal jusqu’au parloir, mené par un petit groupe d’individus composites.
Le cinéma a régulièrement posé ses caméras dans l’univers carcéral, s’ouvrant même récemment aux prisons de femmes dans La Taularde (avec Sophie Marceau). Rachida Brakni prend cette fois le point de vue des familles de détenus, majoritairement des femmes, venues rendre visite à leurs maris, fils, ou frères incarcérés. De sas en sas installe son huit-clos dans l’ambiance suffocante d’une journée de canicule, dans la lignée de Do the Right Thing de Spike Lee ou de Dégradés d’Arab et Tarzan Nasser. La cinéaste crée une atmosphère oppressante en suivant le parcours du combattant de l’accès au parloir, de sas en sas, de fouilles en fouilles, de signature en signature. L’attente et la chaleur exacerbent les tensions au sein du groupe, où chacune gère comme elle le peut sa douleur.
Plusieurs personnages tirent clairement leur épingle du jeu, alors que les bavardages légers se transforment petit à petit en discussions plus profondes, marquées par l’amertume. Cette jeune femme interprétée par Zita Hanrot (découverte dans le magnifique Fatima de Philippe Faucon), qui en veut à son frère d’avoir provoqué autant de souffrances dans sa famille. Sa mère (magnifique Samira Brahmia), étouffée par la culpabilité de n’avoir su sauver son fils, cherchant à conserver à tout prix sa dignité alors que l’espoir a depuis longtemps quitté ses yeux. Cette épouse fort en gueule et ses amies, qui parlent plus fort que tout le monde mais cachent un même mal-être sous leurs airs de commères superficielles.
De sas en sas souffre d’un traitement trop théâtral, qui privilégie une direction d’acteurs outrée et une écriture très mécanique qui alterne engueulades et moments de répit. Un crescendo dramatique qui manque de spontanéité et fait perdre au film l’émotion plus fine qu’il trouve dans ses scènes les plus intimes. On gardera malgré tout en tête ces beaux portraits de femmes, la vision sans clichés de la diversité de la communauté maghrébine en France et la volonté de mettre un visage sur la douleur des familles de détenus, à qui l’on donne trop peu souvent la parole.
De sas en sas, un drame français de Rachida Brakni avec Samira Brahmia, Zita Hanrot et Fabienne Babe, durée 1h22, sortie le 22/02/2017