
90 minutes : un film dur et brillant sur la violence conjugale de la norvégienne Eva Sorhaug
Deuxième long métrage de la norvégienne, Eva Sorhaug, à qui l’on devait déjà « Pause-déjeuner » (« Lonsj », 2003), « 90 minutes » est un film d’une élégance formelle folle sur la violence conjugale. Avec courage, la cinéaste a écrit, produit et réalisé cette œuvre dure et puissante qui met en scène trois hommes sur le point de commettre un acte insupportable. Un grand film dont on ne sort pas indemne et qui a déjà marqué les publics du festival du film de Torronto en 2012 et celui du Brussels film festival, ce mois de juin. .
Vivant dans un appartement très élégant d’Oslo, un homme d’affaires d’une soixantaine d’année est en train de liquider méthodiquement sa vie. Ce n’est que plus tard qu’on comprend qu’il compte également liquider celle de sa femme, une hôtesse de l’air qui goûte encore le luxe de leur existence. Un quadragénaire discute avec une femme dans une large cuisine design d’une grande maison où s’ébattent joyeusement des enfants. Certains d’entre eux sont ceux du couple qui s’est apparemment séparé. Insensiblement, la tension monte tandis que la femme entrechoque les assiettes et se sert de plus en plus de vin blanc. Dans un appartement du centre d’Oslo parfaitement design et où il semble venir d’emménager un homme jeune et d’aspect néo-punk regarde un programme télé sur Ridley Scott. C’est sur la musique de « O moi Babbino Caro » qu’il commence à se masturber…
Mettant en scène trois hommes sur le point de commettre un acte d’une violence insupportable, « 90 minutes » avance lentement et froidement vers l’inéluctable. Renforçant le huis clos en multipliant par trois l’effet « design nordique » des appartements où les hommes sont aux prises avec leurs pulsions mortifères, rendant les femmes absentes, soit par excès de volubilité, soit par acceptation muette de la violence, Eva Sorhaug pousse jusqu’à l’extrême sa description clinique de la violence conjugale. Elle va même jusqu’à confier le rôle d’un des trois sujets de son étude filmique à son… propre mari! Et la brillante réalisatrice n’oublie pas de nous montrer que les premières victimes sont peut-être tout simplement les enfants. Un film tellement dur qu’on a du mal à aller jusqu’au bout, et qui fonctionne comme un coup de poing éthique et esthétique. Une grande claque qui fait d’Eva Sorhaug une des figures du cinéma européen à suivre, absolument.
“90 minutes” de , avec Aksel Hennie, Kaia Varjord, Bjørn Floberg, Annmari Kastrup, Mads Ousdal, Pia Tjelta, Norvège, 1h28. P as encore de date de sortie en France.