Joie pure des mathématiques à la Fondation Cartier
Pour réaliser Mathématiques, un dépaysement soudain, le directeur de la Fondation Cartier Hervé Chandès a invité huit mathématiciens et neuf artistes à collaborer. Ensemble, ils se sont efforcés d’extraire les mathématiques du domaine de l’abstrait pour nous offrir une expérience sensible des plus réjouissantes. Une exposition riche, qui séduira autant les férus d’équations que les réfractaires aux tables de multiplication…
Un conseil : au lieu de suivre le parcours fléché, faites l’école buissonnière et descendez au sous-sol découvrir le film de Raymond Depardon et Claudine Nougaret, Au Bonheur des Maths. Les mathématiciens protagonistes de cette exposition y évoquent leur rapport avec les mathématiques. À les écouter, l’œil vif et la parole animée, digresser sur leur rencontre avec cet univers et les joies qu’il leur procure au quotidien, on se sent vite contaminé par la passion qui les anime. Les mathématiques seraient une sorte de monde parallèle, dont le mathématicien nous livre son interprétation, à l’instar de l’artiste qui dépeint ce qu’il ressent devant le monde.
Ainsi, telles les nouvelles voies qu’ouvrent les alpinistes en montagne, les grands théorèmes seraient finalement la découverte d’un chemin permettant de relier deux points, à ce point empreints de la personnalité de leur découvreur que les mathématiciens de haute volée savent immédiatement reconnaître à qui attribuer un théorème…. fascinant, non ? De là sans doute cette joie qui se dégage de chacun d’entre eux, comme le notent les Depardon : une joie presque mystique, celle de la communion avec le divin.
Sans doute est-ce plutôt une allégresse à rapprocher des grandes conquêtes, du temps des explorations. Les mathématiques constituent en effet un des derniers champs d’investigation encore vierge, pur, épargné par les questions de société plus graves qui incombent aux écrivains, aux artistes, aux scientifiques sur le terrain. Un domaine où le plaisir qui accompagne l’instant de la compréhension garde une saveur intacte, proche de la révélation. Où le hasard recèle encore une puissance d’émerveillement.
Le parcours se poursuit – dans le désordre donc – avec la main qui fait courir la craie sur le tableau du délicieux Cédric Villani, jeune dandy prodige des mathématiques, filmé en pleine démonstration par Jean-Michel Alberola. À l’étage, dans un univers orchestré par David Lynch, embarquement vers une autre dimension : vous plancherez sur la devinette posée par Takeshi Kitano, à l’image des sangaku qui accueillaient autrefois les fidèles devant les temples du Japon ; vous découvrirez d’insolites créatures sous la forme d’ergo-robots dotés de « personnalité ».
Vous pénétrerez également dans la Bibliothèque des Mystères, où Misha Gromov nous invite à découvrir la rencontre des trois premiers mystères du monde (la nature des lois de la physique, la vie, le rôle du cerveau) avec le mystère de la structure mathématique : comment s’articule-t-elle pour former une interface permettant à notre cerveau d’élaborer une interprétation de la réalité qui nous entoure ?
Une exposition qui nous permet de mettre un visage sur les noms de plusieurs grands mathématiciens de notre époque et de (re)découvrir un florilège des grands théoriciens de cette discipline, d’Héraclite à Descartes, de Darwin à Poincaré. Une expérience à la fois cérébrale, intellectuelle et sensorielle comme on aimerait en voir plus souvent.
Visuels :
Diffusion de la chaleur (équation de Fourier), image du film Les Paradis mathématiques, 2011. Création BUF
David Lynch, Galaxy, 2011, film d’animation réalisé pour l’exposition Mathématiques, un dépaysement soudain, 3 min © David Lynch
Le vol de l’oiseau (principe de Bernoulli), image du film Les Paradis mathématiques, 2011. Création BUF
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One thought on “Joie pure des mathématiques à la Fondation Cartier”
Commentaire(s)
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martine-la cauchie
Mais c’est qu’il est très bien ce “toute-la-culture”, c’est qu’il est parfaitement détaillé, illustré et qu’on a grand plaisir à le lire. Et c’est avec un vif désir de pouvoir le “feuilleter” régulièrement, que je dis “bravo” et “merci” à toute l’aquipe rédactrice.
martine-lea