
Henri Cartier-Bresson Paul Strand Mexique 1932-1934
Cette nouvelle exposition présente le parcours croisé de deux grands photographes: le français Henri Cartier-Bresson et l’américain Paul Strand qui se sont trouvés dans la même période au Mexique et ont pris de leur séjour là-bas des clichés sous des points de vue très divergeants. Bien que les deux artistes fassent ensuite partie du même courant cinématographique Nykino, nul ne sait s’ils se sont connus suffisamment pour échanger à propos de leur passion pour l’image.
Paul Strand passera deux ans au Mexique. Venu y chercher le renouveau, un changement de vie, l’oubli peut-être, il y trouve la fascination pour un monde si différent de celui qu’il a côtoyé jusqu’alors. Ses portraits ont une dimension presque documentaire: il prend de très près les mexicains qui posent avec modestie et naturel. Ses paysages sont superbes, ils prennent un aspect presque surnaturel, comme dans ce cliché des filets de pêche flottant au vent. Chaque vue est mise en relief par l’omniprésence du ciel, toujours très contrasté, qui confère une dimension onirique aux clichés. La peinture du Mexique est appuyée par une grande importance accordée au décor religieux, les christs en croix, les sculptures empreintes d’une grâce et d’une majesté mélancoliques comme les êtres qu’il photographie, qui ont les traits marqués par une vie que nous devinons rude et passée pour l’essentiel à l’extérieur.
Henri Cartier-Bresson arrive au Mexique en juillet 1934, près de deux ans après Paul Strand. Il y vient avec toute une expédition comprenant sa sœur Jacqueline, nous pouvons les découvrir ensemble posant avec des mexicains dans les vitrines centrales au second étage de l’exposition. Il arrive dans ce pays, muni de son Leica, et se passionne tout de suite pour la vie mexicaine: il en immortalise les aspects les plus variés, de la naissance avec un bébé tenu par sa mère contre elle à la mort ( les cimetières, les cercueils, chaque détail du rituel funéraire l’intéresse). Il note aussi l’occupation si particulière du trottoir par cette population qui vit dans la rue, y fait commerce et y dort souvent, dans l’indifférence et la promiscuité. Des visages résignés s’offrent à notre vue mais aussi ceux souriant des prostituées et des jeunes filles, pleines d’espoir, cherchant à séduire. Chaque vue est prise sous un angle très cinématographique, les paysages sont le plus souvent en plongée ce qui nous permet d’avoir une vue d’ensemble sur les terres arides qui composent ce pays.
Qu’ils photographient plus le sol (Henri Cartier- Bresson) ou le ciel (Paul Strand), les deux artistes nous communiquent leur passion pour ce pays extraordinaire qu’ils découvrent, un univers complètement différent de leurs pays d’origine, la France et les États-Unis, et qu’ils peuvent révéler au monde grâce à leurs images. Ces dernières n’avaient pratiquement jamais été exposées, c’est donc avec d’autant plus d’intérêt que nous les découvrons, une double lecture très riche d’un monde dont presque un siècle déjà nous sépare.