
Gilles Barbier et Winshluss à la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois
Derniers jours pour voir ces deux expositions qui sont présentées jusqu’au 31 octobre 2020 dans les deux espaces de la Galerie Vallois, qui fête cette année ses trente ans d’existence.
Sur la mer (les naufrages) #2
2020
Technique mixte sur papier
190 x 190 cm
©JC Lett
Blue Velvet
2020
Technique mixte sur papier
105 x 149,5 cm
© Aurélien Mole
Gilles Barbier : Entre, dans, derrière, sous, sur…
Pour cette douzième exposition personnelle de Gilles Barbier à la galerie, l’équilibre et l’ordre établis volent en éclats. Les positions deviennent confuses et s’inversent comme en attestent les titres des œuvres qui s’ouvrent par des prépositions énigmatiques.
Les écorces, les câbles et l’eau de pluie ou de l’océan inondent les grandes compositions de l’artiste originaire de Vanuatu et installé à Marseille. Ces éléments prennent place sur la terre et dans le ciel à moins que ce ne soit le ciel qui descende sur terre dans une déférence emprisonnée dans les lianes échappées d’une caisse en bois ou d’une forêt luxuriante. Tout se mélange, se nivelle et se superpose comme dans le titre de l’exposition, dans une forme d’apocalypse mystérieuse mais qui n’a rien de tragique dans sa représentation. Le naufrage est certes un drame comme le montrent ces embarcations de migrants qui chavirent tous les jours, mais avec ses couleurs vives et ses objets inattendus comme ces tongs qui flottent, pareilles à des barques fantômes perdues en mer, Gilles Barbier dote la catastrophe d’une certaine légèreté. Soulignons au passage l’incroyable diversité des représentations dans le travail de Gilles Barbier. Tandis que Derrière la vitre ressemble à une photographie d’une très grande précision, Dans l’I.A. évoque les grandes heures de la peinture américaine des années 50/60, en particulier l’Action Painting. La « corbeille mentale » chère à Gilles Barbier, prête à réceptionner le flot intarissable d’idées qui se glisse dans ses images, est donc remplie de styles différents.

© Aurélien Mole
Aux grandes toiles du début de l’exposition succèdent la série des Bodegón qui s’inscrit dans cette même logique de dérision de la mort et de la permanence de l’éphémère. Comme ces vanités du XVIIème siècle ou ces portraits d’Arcimboldo utilisant des éléments d’un univers précis pour représenter un métier ou une saison, les aliments alignés forment une chaîne qui termine irrémédiablement son chemin vers l’abîme comme les aveugles de Bruegel l’Ancien qui se tiennent les uns aux autres mais se précipitent dans le fossé. Le résultat de cette issue fatale pourrait être l’installation Entre les articulations, sorte de squelette échappé d’un film de Tim Burton.

(Détail)
2020
Technique mixte
128 x 182 x 35 cm
© Aurélien Mole
Winshluss : Interférence rétroactive
Des contes pour enfants aux films de série Z en passant par les classiques du cinéma… le dessinateur, auteur de BD et réalisateur Winshluss se réapproprie de nombreuses références littéraires et cinématographiques venues de son enfance, ses « premiers grands traumas artistiques ». De ces souvenirs rétroactifs, il en tire des interprétations toutes personnelles, du Petit poucet aux cultissimes La Nuit du chasseur de Charles Laughton et Blue Velvet de David Lynch, sans oublier la création d’affiches de nanars qui auraient pu exister réellement. Dans une esthétique ultra pop qui semble sortie des comics des années 60, Winshluss ne reste cependant pas dans le passé et ses œuvres sont d’actualité. Il déclare : « Je veux jeter le trouble entre la réalité et la fiction. Notre quotidien a basculé dans l’extraordinaire et ceci bien avant cette pandémie mondiale. Que l’on prenne les attentats du 11 septembre, Fukushima, l’exode massif de migrants… Tout est matière à souligner l’ambiguïté d’un monde qui scénarise sa propre chute dans un mélange de stupeur et d’effroi ».

© Aurélien Mole
Derrière des motifs ironiques, grotesques et absurdes, Winshluss renvoie aux tragédies de ce monde, à cette réalité qui dépasse depuis bien longtemps la fiction et lui donne des complexes car la fiction elle-même n’avait pas imaginé les drames et le chaos de l’humanité que Winshluss constate et dont il s’amuse. C’est peut-être là l’un des points communs entre Gilles Barbier et Winshluss: utiliser la poésie et un humour décalé et grinçant pour donner à voir le monde tel qu’il est.

© Aurélien Mole
INFORMATIONS PRATIQUES :
Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois
33-36 rue de Seine 75006 Paris
01 46 34 61 07
www.galerie-vallois.com