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Quinte-Essence à la galerie Jeanne Bucher Jaeger: des météores pour que la planète fasse de beaux rêves

Quinte-Essence à la galerie Jeanne Bucher Jaeger: des météores pour que la planète fasse de beaux rêves

31 December 2015 | PAR Christophe Dard

Jusqu’au 30 janvier 2016, pour célébrer ses 90 ans d’existence, la galerie parisienne Jeanne Bucher Jaeger propose une grande exposition dans ses deux espaces, Quinte-Essence. Des pièces des Arts Premiers à des créations récentes, les œuvres montrent la richesse des éléments, artisans besogneux de notre humanité.

 

Maria Helena Vieira da Silva, Ariane, 1988. Huile sur toile, 130 x 97 cm. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.
Maria Helena Vieira da Silva, Ariane, 1988. Huile sur toile, 130 x 97 cm. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.

 

Depuis ses origines, la Terre est une équilibriste qui jongle avec tous les éléments, l’eau, le feu, l’éther, la terre et l’air.
A l’occasion de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique, qui s’est déroulée ce mois-ci à Paris, la galerie Jeanne Bucher Jaeger, qui fête cette année ses 90 ans, adresse ses hommages aux ressources naturelles malgré le réchauffement et la pollution, des migraines devenues récurrentes et de plus en plus menaçantes.
Pour cela, les deux espaces, rue de Saintonge et rue de Seine, accueillent des œuvres venues des quatre coins du monde et de toutes les époques, des Arts Premiers à aujourd’hui. Mais en dépit des siècles et même des millénaires qui les séparent, les points communs sont nombreux, à commencer par une ambition commune, celle de mettre en valeur les éléments.

 

Ste?le De?esse du Mai?s, Re?gion de Tampico, Panuco, 700 ap. J-C. Gre?s beige, 107 x 42 x 16 cm. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.
Stèle Déesse du Maïs, Région de Tampico, Panuco, 700 ap. J-C. Grès beige, 107 x 42 x 16 cm. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.

 

Les Arts Premiers dévoilés dans l’exposition viennent d’Amérique centrale et latine, d’Afrique et d’Asie. Mais qu’il s’agisse de stèles de la région de Tampico, d’une pierre inca, d’une tête du Mexique, d’une pierre de Sel du Mali ou d’une pièce venue de Chine, ces œuvres parées de multiples symboles et de mystères sont complices de réalisations modernes (Staël, Vieira da Silva, Bissière, Dubuffet…) et contemporaines, preuve que l’humanité n’a pas la mémoire courte dans ce qu’elle a de plus fier à défendre.

 

Vue d'une des salles de l'exposition, rue de Saintonge. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.
Vue d’une des salles de l’exposition, rue de Saintonge. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.

 

Certains contemporains semblent se réapproprier la technique utilisée dans les peintures rupestres. Chez Hanns Schimansky, les allusions aux œuvres préhistoriques se manifestent par des fragments, à la fois frêles, restreints et infinis.
Les travaux de Fabienne Verdier touchent à l’héritage de la calligraphie mais ne sont pas sans rappeler les peintures rupestres dans l’évocation des cours d’eau, des montagnes et des arbres.
Christian Jaccard joue avec le feu et ses performances sont des sortes de fossiles bien que leur combustion sous-jacente est prête à transformer le brûlis en brasier incontrôlable, comme ces feux de forêt qui écorchent la planète.

 

Vue d'une des salles de l'exposition, rue de Saintonge. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.
Vue d’une des salles de l’exposition, rue de Saintonge. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.

 

D’autres artistes puisent leurs références dans l’Antiquité et ses encens d’où s’échappent des divinités et des palais majestueux.
Dani Karavan et ses sculptures environnementales sont dans l’esprit des constructions cananéennes et israélites des villages de ses ancêtres.
Les bols en bronze et les peintures recréées sur des bois épais par Miguel Branco donnent l’impression d’avoir été extraites d’une fouille archéologique.
Zarina Hashmi, à la croisée des chemins entre architecture, sculpture et xylographie, conçoit des œuvres comme autant d’exhumations des monuments islamiques aux façades colorées et dorées, afin d’évoquer les continents, à l’abri du vacarme de la guerre et du déracinement.

 

Vue d'une des salles de l'exposition, rue de Saintonge. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.
Vue d’une des salles de l’exposition, rue de Saintonge. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.

 

Parmi les artistes présentés jusqu’au 30 janvier 2016 dans l’exposition Quinte-Essence, beaucoup mettent sur pied de grandes installations suspendues et montrent, par ce biais, la fragilité des éléments contrecarrée par une gravité et une puissance presque surnaturelle qui exprime une forme d’invincibilité.
Jean-Paul Philippe, qui affectionne principalement la pierre mais travaille aussi le métal et l’acier Corten, dresse un escalier de la terre vers le ciel, comme une équation résolue entre la légèreté des mouvements et la rigidité des matériaux.
Susumu Shingu et Paul Wallach proposent de grandes sculptures en apesanteur et animées. L’air et le vent dansent autour des mouvements réguliers de la Terre dont l’axe central, ferme et droit, est une échelle de Richter, échelle d’une certaine stabilité précaire à en juger par les dangers que risque le monde à chacun de ses pas.

 

Vue d'une des salles de l'exposition, rue de Saintonge. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.
Vue d’une des salles de l’exposition, rue de Saintonge. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.

 

Cette crainte du faux-pas atteint son paroxysme chez Yang Jiechang. Malgré sa démarche spirituelle consécutive à sa découverte du taoïsme puis du bouddhisme, Underground Flowers, 1989-2009, l’une des plus pièces les plus incroyables de l’exposition Quinte-Essence, délivre un message grave. Les 2009 os en porcelaine bleue et blanche de la Dynastie Ming (1368-1644) sont entassés dans des caissons en bois, cercueils d’un temps proche et déjà lointain que les fièvres politiques et sociales nourries par les dérèglements climatiques balayent de plus en plus rapidement vers la poussière et l’oubli.

 

Yang Jiechang, Underground Flowers, 1989-2009. 2009 os en porcelaine a? de?cors bleu Ming place?s dans 270 boi?tes en bois range?s dans des e?tage?res en bois Dimensions variables. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.
Yang Jiechang, Underground Flowers, 1989-2009. 2009 os en porcelaine à décors bleu Ming placés dans 270 boîtes en bois rangés dans des étagères en bois. Dimensions variables. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris.

 

Cependant, des habitués de la galerie, exposés ces derniers mois sur les murs de la rue de Saintonge, nous laissent de beaux espoirs.
Evi Keller expérimente les variations de la lumière avec des matières, dont le plastique, et créée des mondes minéraux, volcaniques et végétaux, mondes à la fois silencieux et transparents de vérité.
Antonella Zazzera est restée marquée par un nid d’oiseau né avec les rebuts des fils de cuivre de ses sculptures, dans le jardin attenant à son atelier et acte de baptême de sa série des Nids.
Rui Moreira, voyageur dans l’âme, saisit les caractéristiques climatiques qui prient la solitude et la quiétude pour garder leur pureté intacte.
Enfin, Michael Biberstein, passager fulgurant d’un ciel d’éther, romantique, brumeux, baroque et mystique, magnifie un univers qui nous domine et impose le silence avec l’objectif implicite de nous obliger à nous remettre en cause et à réfléchir à ce que nous pouvons faire pour laisser une chance à notre planète.

 

Susumu Shingu, Snow Flower, 2010. Aluminium, acier inoxydable et polyester. 250 x ø 200 cm. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris. Photo : H. Abbadie
Susumu Shingu, Snow Flower, 2010. Aluminium, acier inoxydable et polyester. 250 x ø 200 cm. Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris. Photo : H. Abbadie

 

Quinte-Essence, jusqu’au 30 janvier 2016, montre qu’en dépit de son actualité, la problématique du développement durable n’est pas nouvelle. Dés l’Antiquité, probablement sans le vouloir, des artistes ont compris l’importance du respect des éléments naturels. Il appartient désormais au futur d’en faire autant.

Christophe Dard.

 

INFORMATIONS PRATIQUES :
Quinte-Essence
Jusqu’au 30 janvier 2016
Galerie Jeanne Bucher Jaeger
Galerie Jaeger Bucher 5-7 rue de Saintonge 75003 Paris
Du mardi au samedi de 11h à 19h
01 42 72 60 42
www.galeriejaegerbucher.com

Galerie Jeanne-Bucher 53 rue de Seine 75006 Paris
Du mardi au samedi de 10h à 18h
01 44 41 69 65
www.jeanne-bucher.com

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Christophe Dard
Titulaire d’un Master 2 d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Christophe Dard présente les journaux, les flashs et la chronique "L'histoire des Juifs de France" dans la matinale (6h-9h) sur Radio J. Il est par ailleurs auteur pour l'émission de Franck Ferrand sur Radio Classique, auteur de podcasts pour Majelan et attaché de production à France Info. Christophe Dard collabore pour Toute la Culture depuis 2013.

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