
Will Eisner : Génie de la Bande Dessinée Américaine exposé jusqu’au 15 octobre à la Cité de la BD d’Angoulême
Ouverte au public du 26 janvier au 15 octobre 2017, l’exposition Will Eisner : génie de la Bande Dessinée américaine à la cité de la BD d’Angoulême, promet d’être l’un des temps forts non seulement du festival international de la bande dessinée d’Angoulême, mais également de l’année culturelle française. Célébrant le centenaire de la naissance d’Eisner, qui a révolutionné à de multiples reprises le monde de la bande dessinée américaine mais également les liens forts qu’il entretenait avec la ville d’Angoulême, cette exposition a reçu le prestigieux label “exposition d’intérêt national” du ministère de la culture.
[rating=4]
Un génie précoce et fécond
Le terme de génie, souvent galvaudé par une utilisation abusive, n’est ici en rien usurpé. William Erwin Eisner (1917-2005) est assurément un talent précoce qui a su à plusieurs reprises bousculer les pratiques et les idées reçues sur la bande dessinée.
A 17 ans, ses talents de dessinateur ne sont déjà plus à prouver, comme le démontent ses premières œuvres présentées en début d’exposition. Rapidement, il trouve son style et un associé, c’est le début de l’agence Eisner et Iger dans laquelle il officie jusqu’en 1939. Il y recrute de nombreux jeunes auteurs dont Bob Kane auteur de Batman, Jack Kirby co-auteur de Captaine America.
En 1939, il ouvre son premier studio et débute la publication de The Spirit, son personnage le plus emblématique. Oeuvre adulte dans ses propos et ses ressorts, The Spirit attire des lecteurs cultivés vers les journaux où il est publié sous forme de feuilleton. Conçu comme un roman noir, il donne ses premières lettres de noblesse à un art en pleine mutation.
En 1942, il s’ engage dans l’armée suite à l’entrée en guerre des USA. Il intègre alors le service de la communication et parvient à convaincre ses supérieurs des possibilités offertes par la bande dessinée. Il produit ainsi régulièrement des livrets explicatifs sur l’entretien du matériel militaire. Ses historiettes rencontrent un franc succès auprès des soldats. Si bien qu’une fois rendu à la vie civile, il continue son travail pour l’armée via sa nouvelle agence de communication visuelle. La publication de The Spirit, qui s’est poursuivie pendant la guerre grâce à ses assistants, connaît un nouveau souffle et se poursuit jusqu’en 1952.
Un nouvel Essor
Toujours en recherche créative, Will Eisner connaît en 1978 un nouvel essor avec le roman graphique “un pacte avec dieu”qui influence profondément la bande dessinée américaine, mais également mondiale. Pionnier du roman graphique, il recherche toujours davantage l’épure dans le dessin. Basé sur des éléments autobiographiques, ses romans graphiques nous livrent une part de son être et permettent de comprendre les contextes difficiles de son enfance pauvre et certains traits de sa personnalité. Lui, alors si secret, commence à se livrer dans ses livres et dans des interviews.
Reconnu par les grands noms de la bande dessinée, ce pionnier donne aujourd’hui son nom au plus prestigieux des prix de bd des États Unis d’Amérique. Il est également le premier auteur non européen à remporter le grand prix de la Bande Dessinée d’Angoulême en 1975
Une scénographie parlante
Les scénographies des expositions consacrées à la Bande Dessinée sont souvent audacieuses, mais celle consacrée à Will Eisner atteint un raffinement que l’on ne peut qu’apprécier : la reconstitution des ambiances de villes entre ombre et lumière où ondulent les personnages de l’artiste. Jeux de lumière, bande son, parcours enfant, l’on a l’impression de plonger au cœur des cases de l’artiste. Cette scénographie est représentative du travail d’Eisner dont les villes sont presque des personnages à part entière par leur ambiance. Les 130 planches originales exposées proviennent du monde entier, en particulier de collections privées.
Catalogue d’exposition
Pour prolonger la visite ou pour ceux qui ne pourraient se rendre à Angoulême dans les prochains mois, une très belle monographie bilingue revenant non seulement sur les personnages les plus emblématiques de sa carrière, mais également sur sa méthode de travail et sur ses avancées formelles dans le cadre de la Bande Dessinée a été éditée pour l’occasion. De format A3, l’ouvrage propose de magnifiques reproductions couleurs de planches emblématiques ou moins connues de l’artiste.
Ce projet mûri depuis une dizaine d’années trouve enfin son aboutissement et permet à un large public de découvrir ou redécouvrir l’un des grands pionniers de la bande dessinée américaine, d’autant plus qu’il appréciait la ville d’Angoulême où il s’était rendu non seulement pour son prix mais également pour animer des conférences sur l’art de la Bande Dessinée.
Visuels : ©Sandra BERNARD