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L’intimité de la nature au musée de Grenoble

L’intimité de la nature au musée de Grenoble

06 December 2022 | PAR Laetitia Larralde

Cet hiver, le musée de Grenoble met quatre artistes à la renommée internationale à l’honneur pour une réflexion sur la sensorialité de la nature.

Quoi de plus politique de nos jours que l’écologie ? Entre grandes promesses et inaction, le sujet mobilise les uns et lasse les autres dans un même mouvement. Ainsi, notre relation à la nature semble jour après jour devenir plus abstraite. Le musée de Grenoble a donc décidé d’aborder cette question différemment, en se concentrant sur la fascination des artistes pour le monde naturel. Au travers du regard de quatre plasticiens, on revient à un rapport plus sensible entre l’homme et la nature. Philippe Cognée, Cristina Iglesias, Wolfgang Laib et Giuseppe Penone ont tous les quatre fait l’objet d’expositions monographiques ces dernières années au musée de Grenoble, et reviennent aujourd’hui unis par ce thème commun qui traverse leur œuvre.

Le parcours se divise en quatre espaces, un par artiste, comme les quatre saisons, ou les quatre éléments. Les univers de chacun des artistes se développent ainsi séparément, mais liés par ce fil rouge que sont leurs goûts et leurs intérêts communs. Chacun occupe l’espace à sa manière, se confronte à la matière, et utilise les éléments naturels dans son processus créatif. Les sensibilités sont distinctes et pourtant participent à un même mouvement issu des temps primitifs d’observation et de retranscription de la nature.

Philippe Cognée est le seul peintre de l’exposition et nous présente des toiles de trois de ses séries : Fleurs, Paysages et Châteaux de sable. Avec sa technique particulière où il fait fondre la cire avec laquelle il a composé des images qui s’appuient sur la photographie, il donne naissance à des œuvres oscillant entre figuration et abstraction. Ses fleurs sont à la fois fascinantes et monstrueuses, rappelant sa série des Carcasses que l’on retrouve dans l’exposition permanente. Les châteaux de sable, que l’on pourrait prendre pour des souches d’arbres abattus, amènent une réflexion sur la fragilité des constructions humaines et la possibilité que la nature transformée reprenne un jour sa forme initiale.

La chambre minérale de Cristina Iglesias est elle aussi une transformation architecturale de la nature. L’eau coule sur les parois intérieures faites de béton, de poudre de marbre et de résine, rappelant les folies du XVIIIème siècle et les fausses grottes des rocailleurs. Ici les formes sont organiques, comme des végétaux pris dans des concrétions calcaires. L’œuvre oppose un intérieur chargé, humide et déroutant à un extérieur géométrique et rationnel qui interroge sur les limites entre naturel et artificiel. Une série d’œuvres sur cuivre représentant des roches ou des cavernes vient compléter sa proposition, l’oxydation verte du métal soulignant ici aussi le pouvoir de transformation de l’eau de matières qui nous semblent des plus solides.

L’approche de Wolfgang Laib est minimaliste. Fortement influencé par l’Inde et sa spiritualité, il rend hommage à la beauté de la nature par ses installations qui allient matériaux naturels et ésotérisme de civilisations anciennes. De chaque côté d’un œuf de granit recouvert d’huile et de cendre d’un noir profond, faisant référence aux mythes de création du monde, se trouvent deux œuvres lumineuses : un carré de pollen de pin déposé au sol et une série de dessins au pastel blanc sur fond blanc. Ces œuvres évoquant à la fois fragilité et sérénité, mises en balance avec l’insondable profondeur des abysses, dessinent comme une métaphore de l’univers.

Avec les œuvres de Giuseppe Penone, on se fond dans la forêt. Les empreintes de troncs et de végétaux faites avec des feuilles de sureau frottées sur des draps de lin constituent le paysage panoramique qui entoure ses hommes-végétaux. Les plantes poussent au travers de ses sculptures, venant remplir le vide de ces êtres imparfaits, insufflant la vie aux coquilles de métal. Avec ses êtres hybrides se promenant dans un fantôme de forêt, Penone compose un monde imaginaire où tous les êtres sont reliés.

Notons également le catalogue qui accompagne l’exposition, qui n’est pas un simple catalogue. Les œuvres de chacun des artistes sont accompagnées de textes d’écrivains, telle que Marie Darrieussecq pour Philippe Cognée, pour prolonger l’approche sensible de l’exposition. Et dans le même coffret, nous retrouvons quatre livres d’artistes, quatre portfolios montrant un autre aspect de leur travail sur la nature, comme la série de gravures Somersault pour Giuseppe Penone ou les photos de l’installation Wet Labyrinth (with spontaneous landscape) pour Cristina Iglesias.

Avec ces quatre approches sensibles et intimes de la nature, nous pouvons redonner une consistance concrète à des questions dont la matérialité première semble s’éloigner. Et ainsi, nous replacer au sein de la nature.

De la nature
Du 22 octobre 2022 au 19 mars 2023
Musée de Grenoble

Catalogue de l’exposition : De la nature. Ouvrage collectif, sous la direction de Guy Tosatto, directeur du musée de Grenoble, et Sophie Bernard, conservateur en chef, collections d’art moderne et contemporain. Avec les contributions de Deepak Ananth, Jean-Christophe Bailly, Sophie Bernard, Marie Darrieussecq, Clélia Nau, Guy Tosatto.

Visuels : 1-Philippe Cognée, Forêt enneigée 1, 2020 ©Adagp, Paris, 2022 – Crédit photo : Ville de Grenoble/musée de Grenoble – J.-L. Lacroix / 2- Giuseppe Penone, Vert du bois, été 2017 ©Adagp, Paris, 2022 © Archivio Penone / 3- Wolfgang Laib, installation d’un pollen ©Wolfgang Laib / 4- Cristina Iglesias, Chambre minérale humide, (détails) 2022©Adagp, Paris, 2022 – Crédit Photo Estudio Cristina Iglesias

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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