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Les Archives Nationales, agence très spéciale

Les Archives Nationales, agence très spéciale

03 November 2015 | PAR Amelie Blaustein Niddam

En pleine actualité, puisque James Bond est bientôt à l’affiche, Les Archives Nationales ouvrent demain une magnifique exposition aussi sexy que passionnante sur les secrets les plus secrets de l’État.

L’historien très chic Sébastien-Yves Laurent assure le commissariat de cette exposition resserrée, pointue mais extrêmement accessible nommée avec justesse Le secret de l’État. Surveiller, protéger, informer. Il raconte : « le parcours est ancré sur la “longue durée, du XVIIe au XXe siècle. Le XXe siècle ne peut être compris que s’il est pris dans l’épaisseur du temps. Le secret de l’État est un espace immatériel et physique. Un double espace soustrait à la transparence. Le secret de l’état est une sédimentation dans le temps ».

La scénographie fait le choix de nous entraîner dans des alcôves thématiques où les époques se croisent de façon tourbillonnante. Une lettre de Napoléon fait face à un mandat de tuer en pleine Guerre d’Algérie. La permanence est là et elle respecte toujours une valse à trois temps. Le commissaire explique : « Le secret est d’abord un secret de papier, il est ensuite un secret qui amène à regarder son incarnation, porté par des individus et quelques individus. Enfin : un secret appartient à des structures administratives. »

Dévoiler des secrets n’est pas une mince affaire. « Un secret partagé n’est plus un secret “peut-on lire sur un cartel. Mais le secret passionne. Apollinaire écrivait en 1925”. Il y a dit-on, un espion qui rôde par ici invisible comme l’horizon dont il s’est indignement revêtu et avec quoi il se confond ».

Les chercheurs se passionneront pour les archives ici magistralement exposées tandis que le néophyte piochera dans quelques secrets emblématiques et se réjouira de voir les objets « connectés » et ce depuis l’époque moderne. On navigue ici entre culture populaire et culture scientifique  avec une aisance folle. Objets emblématiques (LE téléphone rouge Matra) côtoient des documents qui nécessitent le temps de l’attention. L’un des premiers documents exposés date de  l’an 11 de la République (1799). Nous sommes en pleine contestation vendéenne. La lettre montrée porte l’étrange devise « Liberté, égalité, surveillance ». Elle est signée de Jean Lacomme, commissaire du directoire exécutif à Rochefort-sur-Loire, qui rend compte du déroulement de la fête nationale du 14 juillet. On circule ici par thème : « les imaginaires du secret », « Acteurs et pratiques du renseignement », « Une autre géographie du pouvoir », « Les secrets de papiers de secret de l’Etat », « Abus, dénonciations et contestations » et, « Les techniques singulières et les langages du secret ».

Ce que donne à voir l’exposition ce sont des invisibles que le temps a rendus inoffensifs. En vidéo on rencontre notamment Gilles Ménage : ancien directeur cabinet Mitterrand qui donne une bonne définition d’un agent secret : « je veux des gens qui ne me trahissent pas ».

Ici, les secrets sont de toutes sortes. On entre dans les entrailles du Redoutable, sous-marin portant l’arme nucléaire. On s’attarde sur une bague à accrocher à une colombe. On stoppe devant des clés et leurs modes d’emploi attenant. Ces clés-là ouvrent l’armoire de fer des Tuilerie, “en réalité une double porte battante dans un mur”.

Ce sont aussi des fautes qui nous permettent d’avoir accès à ces documents qui n’auraient jamais dû voir le jour. Par exemple, la fiche de désignation d’un objectif d’opération “Homo” (Homicide) établi par le SDECE lors de la guerre d’Algérie, annotée par Jacques Foccart pour validation et transmission au service Action.

L’exposition rassemble plus de 300 documents et objets qui tous nécessiteraient en soi un papier. Une exposition passionnante, à la circulation évidente et facile qui nous donne le sentiment de faire partie du délicieux cercle de ceux qui partagent les secrets. Nous sommes ici des voyeurs, face à des textes datés parfois de trois siècles où les services secrets sont au fil du temps utilisés comme des outils de communication par l’Etat, qu’il soit monarchique ou démocratique.

Visuel : AFFICHE / © Krzysztof Pruszkowski, Le Président  de la Ve République, Fotosynteza, 2015 / Graphisme in situ, Lawrence Bitterly.

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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