
La riche pratique artistique d’Anne et Patrick Poirier est exposée à la MEP
Au fil des ans et de leurs expérimentations Anne et Patrick Poirier n’ont cessé de développer un corpus d’œuvres, explorant sans à priori et sans limites les possibilités du médium photographique. L’exposition qui leur est consacrée à la Maison Européenne de la Photographie, réunissant près de 200 tirages, en propose la première rétrospective.
L’approche artistique d’Anne et Patrick Poirier est basée sur la mémoire, qu’ils considèrent comme une valeur fondamentale. Dès les débuts, en 1967, la photographie prend une place aussi centrale que méconnue, au même titre que la sculpture ou l’installation, dans leur œuvre polymorphe. En effet, pour Anne et Patrick Poirier, l’argentique est une « surface sensible, éphémère et fragile qui peut réagir à beaucoup de bricolages » et d’expérimentations de toutes sortes. On observe durant tout le parcours qu’ils privilégient une utilisation de la photographie expérimentale et très libre.
Après leurs études à l’École nationale supérieure des arts décoratifs et de nombreux voyages en Orient, Moyen-Orient et aux Etats-Unis, Anne et Patrick Poirier passent quatre ans à la Villa Médicis de Rome. C’est alors qu’ils décident de travailler ensemble comme arpenteurs de sites, découvreurs de civilisations, de religions et de cultures. Dans la série Ostia antica (1970), ils construisent un reportage fictionnel d’une campagne de fouille dans la nécropole. Puis, dans la série humoristique Selinunte (1973-74), ils illustrent les premières manifestations des dérives du tourisme de masses. Anne et Patrick utilisent les ruines comme un studio en plein air.
Il apparaît dans cette exposition, qu’Anne et Patrick Poirier traitent les photos comme un peintre traite la matière. Sans chercher la perfection technique, ils cherchent dans leurs réalisations à découvrir les qualités plastiques offertes par la photographie. Leur volonté de faire une oeuvre picturale transparait notamment dans la série Roma Memoria Mundi (1988) , dans laquelle ils utilisent de l’aniline pour retoucher les tirages.
Cette technique leur a également permis d’obtenir un effet dramatique dans les séries Palmyre, Apamée et Villes mortes de 1992. Ici l’on note que leurs travaux s’ancrent dans la tragédie de la Seconde Guerre mondiale, ils dénoncent la fragilité des civilisations et des cultures, leur esthétique est souvent celle du fragment, de la ruine, de la catastrophe.
C’est un autre univers qui s’offre à notre regard avec les séries Villa Adriana de 1977 puis Les Fragility des années 1990, qui exposent des fleurs scarifiées, fraiches ou fanées. Appliquants l’agrandissement à la technique des pétales tatoués, Anne et Patrick Poirier proposent de somptueuses compositions qui révèlent le système vasculaire des fleurs.
Enfin, depuis 2013, avec la complicité du tireur chinois Choi, Anne et Patrick Poirier ont inventé une nouvelle manière de photographier les végétaux. En atteste la série Archives, que l’on ressent comme l’étape du dépassement des recherches antérieures des artistes. Le rendu est extrêmement précis, la matière végétale semble devenir chair, comme un tissu vivant.
Crédits photo : © Anne et Patrick Poirier. Photo Jean-Christophe Lett. Adagp, Paris, 2017