
“Figures” de Malala Andrialavidrazana à la Cité de l’Economie
Dans le cadre de Paris Photo 2019, l’artiste malgache que nous avions pu découvrir à la FIAC l’année passée présente une série de grands formats à Citéco. Sous forme de collages photographiques, Malala Andrialavidrazana interroge la question des échanges en contexte colonial ou néo-colonial.
La Cité de l’Économie et de la Monnaie est un nouveau lieu muséal de la capitale avec lequel il faut désormais compter. Inaugurée en juin dernier, elle a bien l’intention de s’imposer dans l’écosystème des musées parisiens, son directeur affirmant viser le nombre de “150 000 visiteurs par an”. Désirant diversifier ses approches, et sans doute attirer un public plus averti, elle s’éveille à l’art contemporain en offrant une carte blanche à l’artiste Malala Andrialavidrazana. Un premier pas vers l’actuel qui se veut ouvert à la diversité des horizons d’artistes et des pratiques (technique mixte pour Figures).
Pour la sélection d’œuvres présentées, il s’agit de quelques opus de la série Figures, commencée par Malala Andrialavidrazana en 2015. De très grand format, ils jalonnent le parcours permanent, se confondant avec l’esthétique de certains billets de banque, comme ceux de la Guadeloupe ou de La Réunion, élégamment appelés “billets d’outre-mer” sur les cartels, et eux aussi reproduits en grand dans la salle des coffres. Une confusion entretenue par la scénographie qui n’aide pas vraiment le visiteur à repérer les œuvres de l’artiste mise à l’honneur… De même, trois sur les dix se retrouvent dans un espace que le visiteur peine à trouver, au pied de la tourelle de l’hôtel Gaillard, derrière la cafétéria.
Procédant par juxtaposition d’images, l’artiste fait appel à un référentiel historique fort. En commençant par un travail en archives, elle réalise des photomontages à partir d’une carte géographique ancienne. Elle compose ensuite une autre géographie, imaginaire cette fois-ci, en utilisant cartes anciennes, timbres, billets de banque et albums illustrés de l’époque coloniale, puis du temps des indépendances africaines. Émergent ainsi quelques figures comme celle de Neslon Mandela ou de reines guerrières.
En parallèle, Malala Andrialavidrazana dit la violence coloniale en mettant en confrontation des images qui ont énormément circulé à l’époque. Ainsi, le spectateur à l’impression de (re)connaître la nouvelle image qu’il a sous les yeux. Elle lui parle. Toutefois, elle lui parle un langage étrange, tiré des moments les plus sombres de l’Histoire mondiale. Elle emploie également un langage distordu, issu d’une relecture précisément de cette histoire. Rentrant en collision, les clichés qui servaient à la propagande coloniale font naître un nouveau discours, qui se joue précisément des représentations usitées. En mettant l’accent sur leur côté décoratif, Malala Andrialavidrazana en révèle les séductions pour mieux mettre à mal le discours d’oppression dont elles sont les fruits en même temps que les vecteurs.
Depuis le 26 septembre 2019, Citéco propose par ailleurs une exposition immersive avec Born Somewhere, visible jusqu’au 24 novembre. “Nés quelque part” pour le titre en français laisse songeur : vous êtes invités à vous “glisser dans la peau de Bilikiss au Nigeria, Muna au Cameroun, Mehiata en Polynésie, Sarong au Cambodge ou l’un des 18 personnages pour appréhender les enjeux et les défis de la planète et trouver des solutions améliorant durablement leurs quotidiens”… Cette présentation ne semble pas vraiment occulter les clichés liés aux “pays en voie de développement”, justement dans une perspective surplombante très “Banque mondiale” dont on connaît les politiques développementalistes plus ou moins heureuses. Citéco cherche à se tourner vers “les Suds” avec une bonne volonté manifeste mais sans se départir de certains réflexes ataviques, et en faisant l’économie d’interroger en profondeur les structures sociales du monde globalisé actuel.
Informations pratiques :
1, place du Général-Catroux 75017 Paris
du 21 octobre au 10 novembre 2019
Visuel : © Figures 1899, Weltverkehrs und Kolonialbesitzen, 2016. Pigment print on Hahnemühle Cotton Rag. Ed. 1/5 + 1 AP. 110 x 138,5 cm, courtesy de l’artiste.