Expos

Anni et Josef Albers : un couple phare de l’avant-garde du XXe siècle sort de l’ombre au MAM

20 September 2021 | PAR Yaël Hirsch

Du 10 septembre 2021 au 9 janvier 2022, les époux allemands Anni et Joseph Albers, membres du Bauhaus exilés aux États-Unis en 1933, sont mis à l’honneur au musée d’Art moderne de Paris, en collaboration avec The Josef and Anni Albers Foundation à Bethany. Et cette première exposition en France est fleuve, avec trois cent cinquante œuvres magnifiquement sténographiées. 

L’héritage du Bauhaus

Lui est catholique allemand, elle, d’origine juive, est d’une famille convertie au protestantisme. Ils ont onze ans d’écart et se rencontrent au Bauhaus où elle choisit la section tapisserie et lui excelle en design (on se délecte de ses meubles faits de matériaux pauvres et récupérés). Il y passent une dizaine d’années, proches de Gropius, touchant un peu à tous les arts, la photo comme la gravure, et l’exposition nous montre comment ils évoluent ensemble. À la dissolution du Bauhaus en 1933, ils partent pour l’Amérique sauvage, au Black Mountain College. Professeurs reconnus (lui notamment finit avec la chaire de Design à Yale), ils développent chacun dans ses matières une réflexion sur les matières et les formes qui s’inspirent aussi bien de théories mathématiques que de leur confrontation à l’art amérindien. C’est abstrait, cela semble souvent, tapis ou canevas, très cérébral, et pourtant… Les époux Albers prônent l’un et l’autre avant tout d’ouvrir l’œil et de se laisser guider. Il n’empêche : les très pointus Pictorial Weavings de Anni, aussi bien que les 2000 (sic) variations de Homages to the Square par Josef pour voir comment l’œil interagit avec la couleur et les formes présentées, semblent très expérimentaux… 

Le couple avant tout

Après avoir sorti Sonia Delaunay de l’ombre de son mari il y a 7 ans (lire notre critique), le MAM fait le pari génial de présenter la trajectoire d’un couple. Même si Anni a survécu près de vingt ans à Josef, ce sont de grandes et sensuelles photos du couple qui ponctuent une exposition dédiée à leurs trajectoires plus que parallèles. Si Josef inspire le respect par sa manière de toucher à tous types de médias, on adore découvrir Anni, femme reçue comme étudiante au Bauhaus qui se voulait ouverte aux deux sexes, mais qui est tout de même aiguillée vers la tapisserie, car c’est plus féminin. Cette discipline, elle l’adopte, la maîtrise, l’emporte avec elle aux États-Unis et la fait évoluer jusque dans les oeuvres mémorielles et cultuelles qu’elle tisse dans les années 1950, et dans les nœuds et bijoux d’inspiration amérindienne qu’elle compose. Ce n’est que tardivement, et donc à la fin de cette somptueuse exposition, qu’on la découvre heureuse et comme libérée de sauter le pas et de s’émanciper des fils qui la retenaient à sa discipline féminine d’origine. 

On sort de l’exposition avec l’impression d’avoir redécouvert deux artistes trop méconnus et le plaisir d’avoir embrassé leur recherche comme couple, à la fois soudés, complices, inspirants et aussi divers… Une exposition incontournable de l’automne parisien. 

visuels :

– Josef Albers, Ensemble de quatre tables gigognes, vers 1927, placage en frêne, laque noire, verre peint 62,6 x 60,1 x 40,3 cm (ensemble) © 2021 The Josef and Anni Albers Foundation/Artists Rights Society (ARS), NewYork/ADAGP, Paris 2021

Intersecting, 1962, coton et rayon, 40 x 42 cm Josef Albers Museum Quadrat, Bottrop © 2021 The Josef and Anni AlbersFoundation/Artists Rights Society (ARS), NewYork/ADAGP, Paris 2021

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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