
Doisneau Paris les Halles
Dans le cadre de la reécriture des Halles, retour sur le cœur de Paris, tel qu’il fut alors qu’il était marché des quatre saisons, boucherie, poissonnerie, lieu de rencontres où toute la capitale de jour comme de nuit venait y passer un moment d’emplettes, de bavardages, un coin de comptoir, un peu de franc-parler, de commérages, ou satisfaire sa curiosité devant ce grand déballage-remballage-glanage journalier.
Ce lieu de Paris a toujours été très dénigré quelque soit sa fonction. Difficile de tenir une place aussi centrale dans la capitale et de ne pas en être un des points de mire. Avec le centre Pompidou tout proche, les parisiens attendent maintenant un pendant dynamique qui ne choque pas leur œil si souvent agressé à tous les coins de rue par d’insolites patchworks (voir notre article). Il faut dire que faire de cet ancien cimetière qui a accueilli les corps de plus de deux millions de parisiens un marché, transformer ce lieu du repos des morts et d’hommage aux innocents (enfants faits massacrer par Hérode) en lieu de vie est un parti pris assez particulier, une des surprises réservées par l’histoire de la capitale.
Dans les années 1960, lorsque la décision est prise de détruire les halles, devenues insalubres, certains habitants du quartier se souviennent que, sitôt leur poubelle d’ordures posée au sol, les rats sortaient de l’ombre pour se jeter dessus, Robert Doisneau a conscience que c’est un moment unique de l’Histoire de Paris qui est en train de s’évanouir sous ses yeux. Il fait donc le travail de tout bon photographe, il immortalise cette tranche de vie en train de disparaître. Lorsque nous voyons ces photos aujourd’hui, en dehors de la proche église St Eustache, tout a disparu: l’architecture des Halles, les gens qui y travaillaient, leurs costumes, les voitures anciennes. Voir sur des photos de 1964 que des femmes portant la jupe surprend déjà à notre époque. Malheureusement, le sourire joyeux qu’affichaient les français en cette période de boom économique a aussi disparu. Les airs de scepticisme quand à ce qu’il va de nouveau advenir des halles n’ont pas vraiment changé par contre. Il est sûr qu’à Rungis, la froideur de l’architecture et l’éloignement de la vie parisienne réelle ne prêtent pas à faire sourire les marchands des quatre saisons. La bonne question est elle transformer les halles? Ne faudrait-il pas songer aussi à déménager Rungis pour trouver un lieu plus convivial pour un rite très humain et très prisé de tous les français: celui de faire son marché?
Ceci mis à part, Doisneau, c’est toujours aussi beau, alors cette exposition ne vous fera pas seulement réfléchir sur l’Histoire du ventre de Paris et la nostalgie du temps qui passe, elle vous fera aussi beaucoup de bien aux mirettes car il n’y a pas à dire: des photographes aussi doués que Doisneau, il n’y en a pas tant que cela. Un plaisir pour tous les âges et surtout pour les plus âgés qui ont connu les anciennes halles.
A découvrir également à la fin de l’exposition, outre le très beau catalogue sorti chez Flammarion, les travaux de huit jeunes talents sponsorisés par SFR: Emilie Arfeuil, Carlos Ayesta, Arno Brignon, Ezio Agostino, Antoine Katarzynski, Guillaume Martial, Stefan Mihalachi et Julien Raout qui, un mois et demie durant, ont parcouru le chantier des halles pour immortaliser ce nouveau voyage dans le temps du ventre de Paris. Une de leurs photographies se trouvent à la fin de l’exposition Doisneau, les autres sont à découvrir dans le forum des halles.