Arts
Au coeur à coeur avec l’Art Brut

Au coeur à coeur avec l’Art Brut

04 December 2011 | PAR La Rédaction

L’art brut entre en collision avec le bâtis au couvent des Cordeliers. Une exposition dans un lieu hors normes pour cinquante-neuf artistes hors normes.

Paris nous avait habitués à la Halle Saint-Pierre, lieu d’exposition de l’art brut ces dernières années. Cette fois, c’est pourtant au réfectoire des Cordeliers, dans le quartier latin, que la ville de Paris a décidé d’exposer les travaux de nombreux artistes issus d’ateliers populaires et artistiques. Comment définir ce que l’exposition regroupe ? S’agit-il de productions artistiques réalisées par des amateurs ? Par des personnes dépourvues de ce que l’on appelle communément la culture artistique, selon les mots de Jean Dubuffet, père fondateur et initiateur du mouvement de l’art brut ? Des personnes vierges de tout substrat artistique dont les productions seraient donc autonomes et non construites en réponse à une tradition picturale ?

Le mot exil, titre de l’exposition, évoque en tout cas ce qui est au-delà et en dehors de cette culture. Un hors-soi, vécu comme un exil solitaire du monde artistique qui fait sans doute l’intérêt de productions artistiques hors normes. Construit entre 1371 et 1506, le lieu abrite une exposition décloisonnante qui permet d’entrer dans l’univers d’handicapés mentaux et psychiques, regroupés autour de ce questionnement sur l’exil qui s’inscrit comme un contrepoint théorique au thème du mois “Extra-Ordinaire” proposé par la ville de Paris. Exil de l’ordinaire, exil de la culture, bref un hors champ visuel et perceptif que l’on prend plaisir à découvrir.

Il s’agit pour les spectateurs de créer, a contrario de cet exil, une société inclusive. De fait, le parcours de l’exposition est plutôt immersif. On entre au plus près de l’intime des artistes, avec l’impression qu’ils sont portés à bras le corps par ces volontaires des ateliers de la ville de Paris, par ce commissaire aussi, Charles Myara, qui a arpenté les CAJ (centres d’activités de jour) et les ESAT (établissements et services d’aide par le travail) à la rencontre de parcours singuliers.

En réalité, les oeuvres sont inégales. Certaines sont bestiales et fortes, d’autres plates, manquant de relief. On est déçu parfois, surpris souvent et ému à la vue des sculptures collectives de “Ivana, Patrick, David, Marie-Odille et Mickael”, des prénoms anonymes qui flottent dans l’espace de folie créative proposé par C. Myara. C’est un grain de rêve qui se dessine d’ailleurs d’oeuvre en oeuvre, que l’on cherche aussi sans doute pas à pas, entre les lignes sinueuses des tableaux, comme des marqueurs d’une identité propre à ces artistes bruts. On le retrouve dans les petits carreaux réguliers, trop sans doute, d’Alexandra de Cagny ou dans les grands yeux vert d’eau du tableau de Vanina Desanges. On trouve aussi l’existence obsessionnelle de la matière comme une présence rassurante pour des artistes en quête d’une certaine stabilité, dans les traits gravés sur bois des totems africains d’Ariane Khalfa-Diallo.

Finalement, quelque chose comme l’écriture du rêve se tisse entre aplats de couleur et masques, mammouth de plâtre et poutres apparentes, dans ce lieu lui même riche d’histoire qui fait résonner les voix de ces cinquante-neuf “fous” d’art brut, qui valent le coup d’oeil. On nous propose enfin, pour ce Noël 2011 et cet hiver glacial, un voyage en peinture, un exil parisien…

Valentine Umansky.

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