Arts
<em>Artistes chinois à Paris</em>… et au musée Cernuschi

Artistes chinois à Paris… et au musée Cernuschi

28 September 2011 | PAR Justine Hallard

À l’heure où l’Occident regarde du côté de la Chine, l’exposition Artistes chinois à Paris au musée Cernuschi* propose quant à elle le regard que ces artistes d’Extrême-Orient ont eu sur la capitale française entre 1920 et 1958. Une période d’Histoire où se tourner vers l’Europe pour ces artistes, était synonyme d’un acte réellement engagé : partir pour mieux revenir et réformer leur propre pays. Quand l’art est synonyme d’une démarche foncièrement politique.

1920 – 1958 : de Lin Fengmian à Zao Wou-ki

Paris, entre-deux-guerres.

Toute une génération d’artistes chinois foule alors le sol de Paris, porte d’entrée vers l’Europe que beaucoup parcourront ensuite. Emprunts de techniques de peinture à l’encre, de calligraphie, de sujets symboliques et de création sur rouleaux de papier, ces artistes vont alors rompre radicalement avec la tradition pour se nourrir des nouveaux enseignements qu’ils sont venus chercher à Paris. Très vite, ils acquièrent les méthodes de peinture à l’huile, le sens occidental de la perspective, le traitement de nouveaux sujets comme le nu et l’utilisation de nouveaux formats et de la toile. Le réalisme et l’impressionnisme du XIXe siècle leurs apparaissent comme des enjeux artistiques réellement nouveaux et majeurs, bien que la France de l’entre-deux-guerres soit celle de l’avant-garde, de l’expressionnisme, du cubisme et de la voie de l’abstraction.

Si l’impressionnisme pouvait apparaître alors classique, ce fut pourtant un mouvement de rupture totale invitant les peintres à sortir des représentations de modèles d’ateliers pour se tourner vers la réalité sociale de l’époque et la vie en extérieur. Ce mouvement et la vie de Montmartre influencera considérablement cette génération de peintres chinois. C’est avec cette nouvelle conception de la peinture que certains peintres rentreront en Chine et réformeront de manière décisive l’enseignement, se situant au carrefour de l’Orient et de l’Occident, et ce souvent avec pour toile de fond la montée de la guerre contre le Japon.

Alternativement, ils joueront des techniques académiques européennes associées à des sujets purement chinois comme le cheval pour Xu Beilhong, ou encore le refus de la calligraphie et du poétique, l’usage de format carré pour Lin Fengmian, qui sera même par la suite fortement influencé par Modigliani et Picasso. A l’inverse, Chang Shuhong peindra sa fille, Shana, selon le modèle des portraits d’ancêtres et de nobles respectés, désobéissant totalement au genre en faisant ainsi le portrait de sa propre fille.

Cependant de retour en Chine, nombreux se retrouvent confrontés à une incompréhension totale de leurs concitoyens, comme pour la peintre Pan Yuliang, dont les nus de femmes sont alors aussi rejetés qu’ils sont séduisants. Elle rentrera en France pour ne plus jamais en repartir. La situation s’empira bien encore lors de l’avènement de la révolution culturelle. Ainsi, après 4 années de prison Lin Fengmian dissoudra toutes ses propres toiles dans sa baignoire, et ne repeindra que vingt ans plus tard.

D’autres firent en revanche le choix de rester en France et d’encrer profondément leur travail dans l’avant-gardisme occidental, comme pour Sanyu qui choisit l’Académie de la Grande Chaumière, beaucoup plus libre que l’Académie des Beaux-Arts. Ses croquis rapides de nus s’étofferont ensuite de son pinceau chinois, avant de se tourner vers le surréalisme. Le choix de la France et de l’art moderne fut le même pour des artistes de l’après guerre, tels que Zao Wou-ki nettement influencé par l’œuvre de Paul Klee, ou encore Chu Teh-Chun marqué par celle de Nicolas de Staël. Tous deux aujourd’hui reconnus… au delà des frontières de la Chine et de la France.

Ces peintres chinois à Paris ont, en tout cas, tous en commun le partage de la tradition revisitée, aussi bien dans les techniques que par le choix des sujets, et ce parfois jusqu’à la transgression même, précurseurs de ce que l’art contemporain chinois est aujourd’hui.

Artistes exposés : Liu Haisu (1896-1994), Chang Shuhong (1904-1994), Yun Gee (Zhu Yuanzhi) (1906-1960), Fan Tchunpi (Fang Junbi) (1898-1986), Xu Beihong (1895-1953), Lin Fengmian (1900-1991), Sanyu (Chang Yu) (1901-1966), Pang Xunqin (1906-1985), Pan Yuliang (1895-1977), Hua Tianyou (1901-1986), Zao Wou-ki (Zao Wuji) (1920-), Chu Teh-Chun (Zhu Dequn) (1920-).

2011 : Seconde Nature, six créations contemporaines dans le parc Monceau

Paris, aujourd’hui.

En belle continuité de cette période d’entre-deux-guerres, le parc Monceau accueille les créations – des sculptures en particulier – d’artistes chinois contemporains, résidant à Paris comme le firent leurs pairs. C’est sous le thème de « Seconde Nature », que ces créations proposent d’interroger le lien nature / ville / culture.

La visite au parc Monceau se fait entre 7h00 et 21h00 jusqu’au 30 septembre, puis de 7h00 à 21h00 jusqu’au 31 décembre.

Artistes exposés : Wang Keping (Jeunesse et Amour maternel), Ma Desheng (Sans titre), Chan Kai-yuen (Décrocher la lune), Ru Xiaofan (Fleurs extraordinaires), Shen Yuan (Crâne de la Terre), Huang Yongping (Porte-avions en béton).

* A noter aussi, le musée Cernuschi soutient l’association Enfants d’Asie et la Fondation Amanjaya.

Infos pratiques

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Justine Hallard

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