La révolution 2.0 des femmes arabes !
Les femmes du monde arabe s’insurgent. Elles frondent sur la toile avec à l’esprit l’idée d’arracher des mains de l’oppresseur leur liberté, leur autonomie et leur citoyenneté. Le groupe facebook «the uprising of women in the Arab World» créé par cinq femmes engagées venant de différents pays orientaux (Yalda Younès, Diala Haidar au Liban, Farah Barqawi en Palestine, Sally Zohney en Egypte et Rana Jarbou en Arabie Saoudite) fait des émules depuis le mois d’octobre. Hier, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes, elles ont lancé un appel à témoignages et ont mis en ligne un nouveau site internet destiné à appuyer la révolte.
Le printemps arabe, symbole de la libération des peuples et du passage à la citoyenneté à tous les niveaux, a ouvert une brèche désormais impossible à refermer. « Il faut arrêter de dire que le droit des femmes n’est pas une priorité, nous explique Yalda Younès. Quelque soit le régime, quelque soit les droits et les revendications, rien n’a jamais été traité. Après les révolutions arabes, qui représentent symboliquement quelque chose d’énorme pour les peuples, il n’était plus possible de rester dans l’ombre ».
C’est dans la lignée de ces révolutions qu’elles ont créé leur site internet. Une bouffée d’air laïque pour ces femmes qui résident, pour la plupart, dans des pays islamiques. Elles peuvent s’y exprimer librement, voilées ou non. «Le groupe, explique l’instigatrice, ne tend pas à positionner les femmes en victimes. Il leur permet de poster une photo d’elle et un message». Les «postes» d’hommes et de femmes du monde arabe, traduits en anglais par les administratrices, témoignent de la volonté d’amener le débat sur la scène internationale. Sur le site lancé hier, de nombreux messages ont déjà été postés. On peut lire Abeer de Syrie : «Je suis avec le soulèvement des femmes arabes parce que nous sommes au 21ème siècle et que nos lois civiles oppressent les femmes» ; Farah Barqawi de Palestine «Je suis avec le soulèvement des femmes arabes parce qu’un mari est toujours autorisé à arracher ses enfants de leur mère sous prétexte qu’il est père » ; Mariam du Liban : «Je suis avec le soulèvement des femmes arabes parce que la décision de porter le voile est la mienne, et pas celle de mon père, de mon oncle ou de la société» ou encore Ragida de Jordanie «Je suis avec le soulèvement des femmes arabes parce que c’est mon droit d’avoir une identité sexuelle. Dites NON aux mutilations génitales des femmes».
Le site a été créé en réaction aux problèmes de censure traversés avec Facebook qui portait le même principe : une photo, un mot, une histoire. Des articles similaires y sont répertoriés dont le fameux de la syrienne Dana : «je suis avec le soulèvement des femmes dans le monde parce que pendant 20 ans je n’avais pas le droit de sentir l’air dans mes cheveux et sur mon corps». Suspendues par le réseau social à plusieurs reprises et sans raisons valables depuis le mois d’octobre, les militantes ont choisi la journée symbolique de lutte contre les violences faîtes aux femmes pour contourner ces interdictions et lancer un nouveau site.
Lorsqu’on lui demande s’il y a un danger à être administratrice du groupe facebook ou du site internet Yalda Younès répond justement que le danger c’est celui de ne pas agir : «la peur ne doit pas paralyser, ce sont les lois au Liban en Jordanie, au Maroc, en Arabie Saoudite qui sont dangereuses». Le droit de la famille des pays arabes procède directement du système traditionnel religieux. On aurait pu penser que le code Tunisien – moderne – réformé en 1957 servirait de modèle aux autres, mais il n’en fût rien. Même les codes élaborés dans les années 80, affichent un respect presque fétichiste au droit sacré. Les lois consacrent ainsi l’inégalité des sexes concernant l’héritage, le divorce, la possession, mais aussi une dépendance de la femme à l’homme et des pratiques qui font de l’homme un être supérieur : la polygamie, la répudiation sont légales dans les pays arabes (sauf en Tunisie). Un objectif de révolte qui réside donc dans la séparation de l’Etat et de la religion. Yalda Younès précise à ce titre qu’elle ne souhaite pas une laïcité à la française mais une laïcité où les femmes sont libres «de porter le Niqab ou de poser nue, à l’instar de l’égyptienne Aliaa Almahdy».
La prochaine étape pour ces militantes : « une révolte de la rue » annonce Yalda Younès avec pour même objectif de porter leur revendication au su et au vu de tous. «Je soutiens le soulèvement des femmes arabes parce qu’il est temps de briser le silence» a posté hier à ce titre, Kareem, un jeune libanais. Nous les soutenons aussi.
Visuel : le logo du mouvement ; un pochoir placardé sur les murs du monde arabe.