Politique culturelle
5 idées à retenir de Hans Jonas pour suivre et discuter l’évolution de la Cop 21

5 idées à retenir de Hans Jonas pour suivre et discuter l’évolution de la Cop 21

27 November 2015 | PAR Yaël Hirsch

Alors que s’ouvre au Bourget, ce dimanche 30 novembre 2015, la COP21, conférence internationale réunissant 147 chefs d’États et qui doit aboutir à un accord sur le climat avec pour objectif de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2° supplémentaires d’ici 2100, voici un  petit focus sur un philosophe allemand que vous retrouverez souvent cité dans les débats. Soit adulé notamment par les germanophiles, soit décrié – pas mal par les philosophes français, Jonas est néanmoins incontournable. Ou que c’est chic de le citer, il aide à prendre un peu de hauteur sur les débats, voici quelques grandes pistes à puiser dans son essai culte Le principe Responsabilité publié en 1979, peu après la fameuse conférence de Stockholm (1972) qui a érigé l’environnement en question internationale urgente. Que retenir donc de cet étudiant juif-allemand de Heidegger qui a dû quitter l’Allemagne pendant la Guerre pour enseigner à “L’université Hébraïque de Jérusalem puis au Canada et qui a puisé dans Marx, Hegel et ce qu’il a vu du 20e siècle pour poser quelques principes sur notre lien à l’environnement?

 

 

1. La Responsabilité est humaine avant d’être technique
Evidemment, la question des gaz à effet de serre se prête à des considérations qui peuvent rapidement devenir très techniques. Les médias sortent déjà leurs lexiques pédagogiques et les perspectives d’innovations dans la production d’énergie passent par des start ups et des procédés éminemment complexes. Et pourtant, avant tout cette réunion de chefs d’Etats est politique et nous sommes concernés en tant que citoyens.

2. Face à l’apocalypse, prendre au sérieux de “risque zéro”
Jonas est aussi précieux pour pouvoir mettre de côté les calculs. Après Hiroshima et Nagasaki, Hans Jonas et d’autre philosophes de sa génération – comme son compatriote Gustav Anders-pensent dans le contexte parfois un peu oublié de la Guerre froide. Sensibles au fait que la technique au 20e siècle pouvait nous exposer à une disparition nette et simple de la planète, il se projettent dans cette perspective apocalyptique pour nous enjoindre à quitter nos réflexes de calculs et de statistiques. Pour Jonas, aussi petit soit le coefficient, s’il y a le moindre risque de voir disparaître la planète, il faut juste agir de manière à ce que ce risque ne soit pas pris. Une décision politique responsable ne repose pas sur le calcul scientifique de risques mais sur … une éthique!

3. Un besoin d’éthique
Ethique. Le grand mot est donc lâché. On a pu lui reprocher un brin son paternalisme, mais il n’empêche que le raisonnement de Jonas est puissant en permettant projection qui vient de la métaphysique et qui aboutit à trois impératifs moraux finalement difficile à décrédibiliser.
1) “L’humanité n’a pas le droit au suicide”, nous dit-il, comme une obligation morale à l’égard des générations passées de ne pas engloutir ce qui a été bâti.
2) “L’obligation à l’égard de la postérité”, ajoute-t-il, comme obligation morale, dirigée vers l’avenir. Et il en soulève par là un impensé important des Droits de l’Homme qui s’appliquent donc aux citoyens existant mais pas aux citoyens à naître. “Après nous, le déluge” n’est donc simplement pas une option…
3) L’obligation de laisser un monde vivable aux générations futures. Parce que cela leur rendrait impossible l’impératif 2), le “devoir de survie et d’être une humanité véritable”. Or « rendre impossible leur devoir est un véritable crime ». Stopper le réchauffement climatique est donc un impératif.

4. Ecouter ses peurs
Comment faire pour tenir ces impératifs éthiques? Hans Jonas fait ici une proposition qui a fait couler beaucoup d’encre : Pour atteindre le risque zéro, Jonas propose de faire preuve d’imagination. Il appelle cela “l’heuristique de la peur” : il s’agit de ses reposer sur ses facultés d’imagination du pire pour savoir comment agir. Casuistique imaginative, vers des principes inconnus.

5. Agir collectivement
Et ce n’est pas un seul homme qui va imaginer le pire sur le mode du complot, mais Jonas enjoint la collectivité à prendre ensemble ses responsabilité sur l’avenir du monde: « C’est l’acteur collectif et l’acte collectif et non l’acteur individuel ou l’acte individuel qui jouent ici un rôle » p. 37 (on aimerait bien une définition plus précise de ce qu’est un acteur collectif). Pour les gaz à effets de serres, les risques sont globaux, la COP21 est donc le collectif large et le juste lieu de décision

visuel : couverture de Hans Jonas, Le Principe Responsabilité, Champs/Flammarion, 14 euros.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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