
Henry Rousso nous parle du projet de mémorial dédié aux victimes des attentats en France
C’est évidemment un honneur et une mission qui oblige. Je l’ai acceptée parce que je souhaitais sortir de la posture de l’universitaire qui observe, analyse et critique pour être plus directement confronté à la nécessité de créer quelque chose. Il y a très peu de lieux de ce type dans le monde (New York, Oklahoma City, Oslo), c’est donc un véritable défi intellectuel, moral, politique, esthétique que de penser un lieu de mémoire, de connaissance, de transmission sur un tel sujet.
La mémoire collective est une métaphore : elle repose sur l’idée qu’une collectivité, par exemple une nation, se souvient comme pourrait le faire un individu, une personne. Or, ce n’est pas le cas. Pour ne m’en tenir qu’aux politiques de mémoire, c’est un ensemble de dispositifs destinés à promouvoir et à entretenir de manière vivace une vision du passé, et donc du présent et de l’avenir, qui puisse être acceptée par la collectivité dans son ensemble, tout en sachant que chacune de ses composantes a une histoire, vécue ou transmise, qui est différente, parfois même en conflit avec les récits dominants. Les politiques de mémoire, ici le musée mémorial, ont précisément pour fonction de créer une forme de récit commun, de proposer des dispositifs de réparation, voire des formes de résilience. Ce musée-mémorial s’inscrit dans une politique plus large de prise en charge des victimes, de leur mémoire, des conséquences psychologiques des crimes terroristes : instauration d’une nouvelle commémoration, meilleure reconnaissance du statut de victime (par la médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme) dont le périmètre commence en 1974, avec le premier attentat à Paris depuis la fin de la guerre d’Algérie, création d’un Centre national de résilience, etc.
Ce lieu aura trois fonctions. Il aura une fonction de commémoration, d’hommage rendu aux victimes, de recueillement.
Pour finir il aura une fonction de transmission par la formation, la documentation, la recherche.
Elle s’est mise au travail depuis déjà quelques semaines.