
Décès du constitutionnaliste Guy Carcassonne
A seulement 62 ans, cette éminente figure du droit constitutionnel français, Guy Carcassonne s’est éteinte dans la nuit du dimanche à lundi, emportée par une hémorragie cérébrale.
Très proche conseiller de Michel Rocard, au ministère de l’Agriculture puis à Matignon, qui le considérait comme “son guide, presque son thérapeute”. Membre de la Commission de sages présidée par Balladur, qui aboutit à la refonte constitutionnelle de 2008, mais surtout professeur en droit public adulé de ses élèves, qui, à l’annonce de sa soudaine disparition furent nombreux à regretter “le plus éloquent professeur qu’il leur ait été donné d’avoir”. L’un d’eux Nicolas Simel, que nous avons pu rencontrer, ajoutait à son propos “j’ai rarement vu quelqu’un avec une si bonne maîtrise du subjonctif imparfait et un sens aussi aiguisé de la formule.”
Il était également l’un des rares à ne pas accorder une moue dubitative et désabusée à l’annonce de la création de la Commission Jospin, commission sur “la rénovation et la déontologie de la vie publique”. Malgré le discrédit traditionnel accordé aux commissions et résumé dans l’impératif légendaire de Georges Clemenceau “Vous voulez enterrez un problème, créez une commission” il défendit la prérogative de la commission sur le non-cumul des mandats, plutôt que d’en laisser la tâche aux assemblées elles-mêmes, loin d’être juge impartial sur la question.
Rédacteur dans la revue Pouvoirs, auprès de son collègue Olivier Duhamel avec lequel il a cosigné “Histoire de la Ve République” paru chez Dalloz, un ouvrage d’autant plus enthousiasmant, que s’y confrontent deux visions ouvertement antagonistes du devenir de la Ve République. Celle d’un Duhamel, qui la considère comme viciée à la racine et condamnée. Alors que Guy Carcassonne, titrant dans l’article “Immuable Ve République” de Pouvoirs, voit dans ses instituons et dans ces cinq décennies de persévérance le meilleur gage de stabilité, nous remémorant le refrain de la chanson de Julio Iglesias “Non, je n’ai pas changé. Non, je ne changerai pas.”
Exportateur de la démocratie de par le monde, il a notamment participé à l’élaboration des constitutions de l’Albanie, du Kazakhstan et de l’Afghanistan lorsque ces derniers ont choisi de prendre une voie démocratique, mais aussi importateur d’initiative démocratique, puisqu’il contribua également à élaborer et à promouvoir la QPC ( Question Prioritaire de Constitutionnalité), qui introduisait pour la première fois en France la question du contrôle de constitutionnalité alors d’ores et déjà en application dans la plupart des démocraties, surmontant les fantasmes centenaires du gouvernement des juges.