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[Hors compétition] « Love » de Gaspar Noé : grande expérience de cinéma
On a passé la nuit du mercredi 20 en compagnie d’un cinéaste français d’exception : Gaspar Noé, en Séance de minuit à Cannes. Ne vous fiez pas qu’à l’affiche : loin d’être un produit provocateur, Love est un film, un vrai, et même plus. Un quasi livre d’incantations, qui en appelle autant au passé perdu qu’au cinéma à inventer.
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Un appartement parisien, capté en travellings serrés, anxiogènes, qui font passer les portes pour des pièges douloureux. Dans ce cadre se réveille Murphy (Karl Glusman), jeune américain. A ses côtés, Omi (Klara Kristin), et le fils qu’ils ont eu. Sur son téléphone, un message : la mère de son ancienne copine, Electra, panique. Elle est sans nouvelles de sa fille, et redoute une bêtise. L’angoisse envahit Murphy. Au cours des deux heures de film qui vont suivre, il va se repasser, dans sa tête, le fil de leur relation. Riche en extases, en défonce, et en sexe.
Murphy, ou Gaspar Noé jeune ? Ce nouveau film, son quatrième, apparaît en fin de compte comme un journal vidéo. A ce titre, est-il crade, ou esthétisé jusqu’à la nausée ? Ni l’un ni l’autre. Love raconte une intimité à partir non pas des images, mais des procédés cinématographiques eux-mêmes. Qui sont travaillés de façon à donner au film une chair. Un montage par à-coups, unique ; un thème musical signé J.-S. Bach ressassé ; des plans parfois littéraux, totalement à cru : si Murphy cogne contre une porte pour réclamer Electra, il est filmé longuement devant cette porte close, sans contrechamp ni scène prise à l’intérieur. Avec un son qui se met au diapason…
Dans Love, ce ne sont donc pas tant les scènes de sexe crues, n’allant que peu de fois à la pornographie pure, qui frappent, que la façon dont Gaspar Noé forge une grammaire cinématographique nouvelle. En bon boucher, il pose sur la table son passé et son présent, coupe, jette violemment ce qui reste dans une poêle, et tente de cuisiner le futur du cinéma. Car, oui, Love semble en avance. Par sa façon de faire exploser le déjà-vu. Et de faire naître du lyrisme à partir des images intimes les plus banales. Hier, de minuit quarante-cinq à trois heures, les lunettes 3D – le film utilise ce format – ont fini par nous peser. On les a ôtées. Le film conservait sa vérité et son lyrisme noir…
On peut ajouter que Love est romanesque. Et que Gaspar Noé est toujours aussi grand, de par sa capacité à donner leur chance à ceux qu’il filme. Même les pires. Même lui-même : l’avant-dernière scène qu’il crée, bouleverse. Et reste inédite dans le cinéma.
Love nécessite plusieurs visions, et à la première, on se perd parfois en route. On se questionne, sans trouver de réponse : la 3D, à quoi sert-elle ? À exciter ? Non. On ne sait pas trop, en fait… Pourquoi tel plan, et tel autre ?… Mais on suit. On s’accroche à ces êtres magnifiques. On les traque dans leurs rapports sexuels, fréquents, dans lesquels notre cinéaste veut qu’il y ait de l’amour, tellement d’amour… Love est aussi, sans doute, imparfait. Mais c’est là le propre des films où l’on trouve du risque, de la fièvre, de l’humain. Des films qu’on AIME.
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Love, un film de Gaspar Noé. Avec Karl Glusman, Aomi Muyock, Klara Kristin. Drame, Français (langue originale : anglais). Durée : 2h15. En salles le 15 juillet. Interdit, on ne sait pas, aux moins de 16 ou de 18 ans.
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Visuels : © Wild Bunch Distribution