
Jours blancs : Jeroen Brouwers décrit les affres de la paternité elliptique
Le grand auteur néerlandais de “Rouge décanté” (prix femina 1995) et “L’eden englouti” propose dans “Jours Blancs” le portrait d’un homme de lettres qui a fui toute sa vie la paternité. Un livre à la fois lyrique et cruel, d’une justesse psychologique époustouflante. En librairies chez Gallimard le 5 avril 2013.
Un professeur de littérature néerlandaise de 65 ans a vécu à New-York, s’est installé à Paris, est reconnu dans le monde entier; il a eu de belles maîtresses et même deux femmes. A cet âge du bilan, cet homme de lettres et de succès revient sur sa plus grande défaite : son rapport inexistant mais néanmoins compliqué avec son fils Nathan. Amoureux et marié en toute simplicité à la douce Mirjam, à l’âge de 23 ans, le père indigne l’avait prévenue : il ne souhaitait surtout pas se reproduire. Mais sa femme n’a pas écouté et la naissance de l’enfant signe la mort de leur couple et bientôt l’abandon pur et simple du fils et de la mère par l’universitaire. Ce n’est qu’à 17 ans que Nathan a revu son père, à New-York. Leurs deux trajectoires quasi-parfaitement parallèles ne se sont pas croisées, sauf à des moments clé, où le fils musicien a exprimé beaucoup de mépris pour le père écrivain absent.
Avec une ironie mordante, Jeroen Brouwers dresse le portrait d’un monstre tranquille, retiré dans les sphères d’un égoïsme banal et plongé dans une solitude vague et pleine de ressentiment diffus. C’est à travers ce prisme, aussi mesquin que lettré, que le lecteur assiste, impuissant, à une rencontre qui ne se fait pas, faute de sentiments possibles. Mais qui dit absence de cœur ne dit pas absence d’images. “Jours blancs” est un livre dur, superbement écrit et terriblement juste.
Jeroen Brouwers, Jours blancs, trad. Daniel Cunin, Gallimard, “Du monde entier”, 208 p.,20 euros. Sortie le 5 avril 2013.
“Heather a été le pied-de-biche entre Mirjam et moi, l’iceberg qui, surgi d’une obscurité sans étoiles, creva le bordé, à la suite de quoi il était trop tard pour sauver la ville-navire” (p. 54)