
Au musée Maillol, redécouvrez Venise sous le regard de Canaletto
Quelques jours après le vernissage de Canaletto-Guardi, les maîtres de Venise au musée Jacquemart-André, c’est au tour du musée Jacques Maillol de nous présenter son exposition Canaletto à Venise. Nous avons donc retrouvé le maître avec plaisir, pour contempler la cinquantaine de vedute réunies.
Ici encore, la Sérénissime est à l’honneur, à toute heure du jour – et de la nuit, comme en témoigne un tableau au premier étage -, avec toutes ses variations atmosphériques, dans ses quartiers animés comme dans les venelles désertes où sèche le linge aux fenêtres. On retrouve également Hubert le Gall à la scénographie, qui nous propose ici de quitter Paris pour plonger dans l’ambiance de la lagune, symbolisée par quelques moles et pontons qui viennent ponctuer l’élégant parcours de l’exposition.
Toutefois, ce qui frappe d’abord, c’est surtout la grande diversité de styles dont Canaletto fait montre tout au long de sa carrière, depuis ses grands formats encore imprégnés par le décor de théâtre aux tableaux de commande focalisés sur l’architecture à l’apogée de sa carrière. Mais c’est aussi la sérialité de son travail. Si l’exposition du Musée Jacquemart-André nous permet de bien comprendre ce qui distingue Guardi de Canaletto, à travers plusieurs comparaisons fort intéressantes, celle-ci soumet à notre regard le travail d’un artiste de grand talent, certes, mais attaché avant tout à satisfaire sa clientèle. Quitte à reprendre inlassablement les mêmes points de vue, assuré qu’il était de pouvoir les vendre au prix fort grâce à l’entregent de Joseph Smith.
Le ton se veut résolument pédagogique (voire à l’excès, comme ces notices scolaires sur les hauts lieux de la ville qui émaillent les cimaises). Ainsi, un écran tactile vous permet de feuilleter virtuellement le fameux carnet de dessins préparatoires de Canaletto et d’apprécier la minutie de ses observations in situ. Ou encore, vous pourrez vous essayer au maniement de la chambre optique, dont un modèle a été reconstitué dans une salle voisine. L’occasion de constater que, si cet appareil était un outil indispensable pour les védutistes soucieux du respect de la perspective, il fallait encore posséder une riche expérience de la lumière et savoir marier subtilement les couleurs pour produire une bonne toile. Enfin, avant de gagner le premier étage, une reproduction du plan de Venise peint par Guardi vous invite à repérer où se situent les principaux bâtiments aperçus sur les tableaux.
Une exposition soignée, donc, qui offre un regard assez complet sur la carrière de Canaletto, et notamment la délicatesse de sa palette. Ce sont encore les vues de la lagune, prêtées par le musée Pouchkine, qui ont achevé de nous séduire : alors qu’il n’est pas encore soumis à la pression infernale des commandes, c’est dans ces toiles que Canaletto semble s’exprimer avec le plus de sincérité, avec une lumière vibrante et une représentation simple des habitants des îlots plus retirés. Il y a même du Goldoni, dans ces personnages populaires qui semblent tous incarner des archétypes.
visuels : Le Palais des Doges et la Rive degli Schiavoni, 1730 © NTPL/John Bethell (en une)
Vue des églises du Redentore et de San Giacomo, 1747-1755 © Galerie de Jonckeere
La Scala dei Giganti, 1755-1756 © Collection of the Duke of Northumberland
La Piazzetta vers la Pointe de la Douane et le Canal Grande, 1730 © NTPL/John Bethell
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