Danse
Live report : Claudia Triozzi explore le vivant

Live report : Claudia Triozzi explore le vivant

17 November 2011 | PAR Géraldine Bretault

Chaque année, la Ménagerie de verre nous propose de partager de surprenantes expérimentations dans le cadre du festival les [In]accoutumés. C’est donc tout naturellement que Claudia Triozzi prend possession de la salle Off pour proposer sa « thèse vivante », en compagnie de singuliers partenaires, dont l’ânesse Manon.

En marge de sa carrière en tant qu’interprète chez François Verret, Alain Buffard, Xavier Leroy et d’autres, l’Italienne Claudia Triozzi mène depuis belle lurette un chemin en solo, entre performance et réflexion sur la portée de la danse, ses confins, ses enjeux scénaristiques, ses modalités de représentation ou encore la place dévolue au corps du danseur. Citons quelques-unes de ses pièces précédentes : Park (1998), The Family Tree (2002), Up To Date (2007) ou encore Ni vu ni connu l’an passé (voir notre critique).

Qui dit marge, dit frôlements avec d’autres disciplines artistiques, et on a pu voir Claudia explorer l’univers du son et de la voix, celui du théâtre ou encore des arts plastiques. Aujourd’hui, Claudia ne se contente plus d’expérimenter, elle cherche à proposer une thèse. Une véritable thèse argumentée, susceptible d’être soutenue. C’est l’objet d’un beau dialogue sur scène avec l’artiste Arnaud Labelle-Rojoux. Certes, un artiste ne tire pas sa légitimité de l’acceptation du public : il s’expose, il s’avance sur scène et fait œuvre. Or Claudia veut aller plus loin, elle se demande si la présence d’un jury à l’image de celui qui valide les soutenances en milieu universitaire déplacerait la portée de ses recherches et les soumettrait à une validation extérieure, ce qui lui permettrait de se confronter et de continuer à avancer.

 

 

Voilà le genre de réflexion que poursuit Claudia Triozzi, aux côtés d’artisans et de partenaires indirectement liés au champ artistique : un artiste contemporain, donc, une thésarde en histoire de l’art, un modèle nu, un tailleur de pierre, et, au premier plan, un jeune boucher qui dépèce pendant tout le temps du spectacle un quartier de bœuf, tout à son art exigeant. Tous sont bien vivants.

Parallèlement, au fond de la scène et sur une toile de chevalet posée au premier plan, Claudia convoque parfois d’autres avis par l’intermédiaire de projections vidéo, notamment avec l’artiste espagnole Esther Ferrer. Tout au long du déroulement de sa performance, on devine la part d’improvisation, et que peut-être, un autre soir, Claudia a pu s’intéresser davantage au modèle, par exemple. Ce soir, le boucher avait la vedette, pour une réflexion à couteaux tirés sur les notions de compétences et de pratique.

La présence de Manon l’ânesse, au-delà de l’imprévisibilité que sa présence induit sur le plateau, n’est pas sans renvoyer à quelques précédents en matière de confrontation de la nature et de la culture au regard de l’histoire de l’art. Toutefois, elle est bel et bien vivante, contrairement aux chevaux empaillées de Janis Kounellis et Maurizio Cattelan, ou au lièvre mort auquel Joseph Beuys voulait apprendre à regarder les tableaux.

Mort, le bœuf découpé l’est en apparence, mais ne reprend-il pas vie sous les mains agiles du boucher ? Encore faut-il que le boucher sache ce qu’il fait. « Bien fait, mal fait, pas fait » ? Claudia poursuit sa réflexion et semble trouver un exutoire via la pratique. Il faut être ‘touche-à-tout’, s’armer de courage pour exposer ainsi sa vulnérabilité. « J’ai envie de me battre ! », clame-t-elle à tue-tête et sans relâche. Comme elle l’affirme elle-même, si elle est vulnérable, elle est aussi « dure » et c’est cette volonté, antidote à la paresse, qui la sauvera.

C’est le corps même de la thèse, qui se transforme sous nos yeux, un corps souple et plein d’humour.

 

« Peut-être qu’un jour, on joue(i)ra ensemble… »

 

 

 

 

 

 

 

Visuels : Claudia Triozzi © Olivier Charlot

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Géraldine Bretault
Diplômée de l'École du Louvre en histoire de l'art et en muséologie, Géraldine Bretault est conférencière, créatrice et traductrice de contenus culturels. Elle a notamment collaboré avec des institutions culturelles (ICOM, INHA), des musées et des revues d'art et de design. Membre de l'Association des traducteurs littéraires de France, elle a obtenu la certification de l'Ecole de Traduction Littéraire en 2020. Géraldine a rejoint l'aventure de Toute La Culture en 2011, dans les rubriques Danse, Expos et Littérature. Elle a par ailleurs séjourné à Milan (2000) et à New York (2001, 2009-2011), où elle a travaillé en tant que docent au Museum of Arts and Design et au New Museum of Contemporary Art. www.slowculture.fr

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