
Abilifaïe Leponaix, entre Nef des fous et manifeste politique au Festival OFF ( reprise à Paris à partir du 7 mars )
“Abilifaïe” et “Leponaix” sont deux noms de médicaments prescrits aux patients souffrants de psychoses schizophréniques. A Avignon, au théâtre Alizée, c’est aussi la reprise du spectacle lauréat du prix du public 2010, une pièce bien menée laissant découvrir un texte qui interroge et des comédiens talentueux.
Rideau lacéré, lumière dingue, des ombres passent tandis que des voix assènent des propos parfois caricaturaux sur cette maladie. Le metteur en scène Jean-Christophe Dollé souhaite ici condamner l’actuel ” traitement des malades mentaux faisant l’objet de remises en questions qui nous font revenir 30 ans en arrière”.
Pour ce faire, il se met en scène accompagné de trois autres personnages. Il est Maxence , un Jésus Christ qui s’enrubanne de film plastique visant à empêcher son corps de se faire découper, à ses côtés, Antoine croit sincèrement que la télévision lui parle directement, Soizic casse les murs d’où sort la voix de sa mère morte et Ketty voit des démons au fond de ses toilettes.
La pièce agit d’abord comme un coup de poing en prenant les mots des fous comme une parole théâtrale. Les phrases sont chocs , on entendra ketty dire “un jour, je me suis croisée dans la rue”, ou Antoine ” C’est normal d’être inquiet , faut pas être inquiet pour ça!”
Le spectacle fondé sur des cas réels, critique moins le politique que l’institution thérapeutique, sans doute , trop caricaturée. Entre un groupe de parole tourné en dérision et la valorisation du discours de chacun des personnages, le propos est parfois difficile à cerner. La narration hésite entre la condamnation d’une politique de renforcement de l’enfermement des malades et la souffrance de personnalités profondément attachantes.
Les comédiens sont captivants , portés par une scénographie impeccable, rythmée et inventive faisant la part belle à des temps de chœur très pertinents, notamment à l’occasion d’un moment sur la puissance de la pensée habilement chorégraphié.
Le spectacle casse avec succès et bienveillance nombre de stéréotypes, le malade apparait avant tout dangereux pour lui même, la maladie n’est pas réduite à un dédoublement de personnalité.
Abilifaïe Léponaix soulève de grandes questions sur la transposition d’extraits de carnets de psychologues sur un plateau. Il est sans aucun doute l’un des spectacles inratable du festival car il déroute, dérange et interroge, mais surtout parce qu’il met sur scène des comédiens formidables dans une scénographie remarquable.