Cinema
Semaine de la Critique 2019 : “Abou leila” d’Amin Sidi-Boumédiène, errances et violences dans le désert

Semaine de la Critique 2019 : “Abou leila” d’Amin Sidi-Boumédiène, errances et violences dans le désert

22 May 2019 | PAR Yaël Hirsch

Présenté à la 58e Semaine de la Critique, le road trip aussi réaliste que halluciné de Amin Sidi-Boumédiène nous emmène aux confins de l’Algérie des années 1990 pour exprimer des blessures encore très vives. Un premier long métrage très noir derrière ses belles couleurs, et tout à fait saisissant.

En 1994 en Algérie, deux flics et amis d’enfance, S. et Lotfi, s’élancent à la poursuite d’un terroriste : Abou Leila. Les deux amis, dont l’un est mentalement stable, l’autre plutôt viril et blasé, traversent le désert. Alors que le Sahara n’est pas encore dans la ligne de mire des attentats, la vie humaine avoisinante semble paisible : ménagères chantantes dans les motels et silhouettes de touaregs élégants dans le paysage immémorial. La quête des deux amis transpirants est-elle absurde ? D’étape en étape, la folie de S. se précise au point de devenir anxiogène et de flouter les lignes entre l’homme et l’animal. Dans un cycle de violence qui ne se termine pas, les deux hommes vont être confrontés à eux-mêmes.

Très réaliste et même graphique dans son expression de la violence, ce road movie qui fait pas mal de choses comme dans les westerns (le colt, les motels, les codes de la virilité et la route) prend assez vite des allures métaphysiques. Dans un pays où la violence ne cesse pas, les hommes semblent devenus fous, et la brutalisation passe par le totem et l’animal. Le spectateur a du mal à saisir ce qui est rêve, délire ou réalité pour les personnages, mais il comprend parfaitement ce qu’Amin Sidi-Boumédiène nous dit de la maladie de son pays, avec amour, effroi et belles images. Les acteurs sont merveilleux, leur avancée suffocante et le malaise peut devenir très productif si l’on prend le temps de bien y réfléchir. Un film surprenant et profond, qui sait transmettre combien il a été nécessaire à son réalisateur.

Abou Leila, d’Amin Sidi-Boumédiène, avec Slimane Benouari, Lyes Salem, Algérie / France / Qatar, 2h20.

Visuels: © photos officielles du film

 

Retrouvez tous les films des différentes sélections dans notre dossier Cannes 2019

Ballet de l’Opéra de Paris : trois chorégraphies de Sol Leon et Paul Lightfoot et Hans van Manen
Cannes 2019, Quinzaine des réalisateurs : “Wounds” de Babak Anvari, des frissons modérés à New Orleans
Avatar photo
Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration