Théâtre
« Les Enfants du soleil » : Gorki au fil de collisions cocasses et brillantes

« Les Enfants du soleil » : Gorki au fil de collisions cocasses et brillantes

12 February 2015 | PAR Geoffrey Nabavian

Le metteur en scène Mikaël Serre se montre expert à transmettre l’énergie désespérée qui sourd du classique de Maxim Gorki. Sept comédiens lui emboîtent le pas, et composent un spectacle juste, qui sait tenir en haleine, malgré deux trois chutes de rythme.

[rating=4]

Les Enfants du soleil 2Dans la belle salle du Monfort, nous sommes réunis pour une traversée des tourments russes. Pas n’importe lesquels : ceux des Enfants du soleil, de Maxim Gorki. Ce soir, nous n’aurons donc pas réellement de récit au programme. Plutôt une succession de collisions entre gens fatigués. Mais néanmoins très, trop vivants. Au départ, on croit qu’on va pouvoir s’accrocher à Protassov (Cédric Eeckhout), scientifique du début de la fin du XIXème siècle, si plein d’espoir. Un financement vient de lui être promis, il exulte, et… tout s’effondre. Il rejoint la masse des maudits qui l’entourent. De ceux qui croient que l’art peut encore les aider à se révolter contre l’ordre, et à éclairer les hommes, en cette campagne russe où l’immobilité guette tout le monde…

La première qualité de la mise en scène de Mikaël Serre, réalisée il y a près de deux ans, est de savoir transmettre l’humour désespéré de l’œuvre. D’autant plus réussi au vu du travail d’adaptation qu’il a opéré sur le texte, afin peut-être de le rendre actuel. On ne s’ennuie pas à écouter ces lamentations burlesques, rendues assez légères. Protassov et sa nanotechnologie, Elena et ses envies de vérification amoureuse, Legor et sa femme qu’il bat… On aime ce décor où des cactus et du sable figurent les affrontements incessants, où une voiture tient de multiples rôles… Et ces passages de vidéo qui transportent ailleurs, grâce à leur noir et blanc expressif. Surtout, lors du troisième « acte », des ruptures ont lieu, des dangers se précisent… Jusqu’à l’élément tragique final.

Et la résonance avec aujourd’hui ? Concernant les révolutions encore à faire, notre metteur en scène n’a pas de message à marteler. Il préfère s’en remettre aux personnages. Tous occupés à se dresser, en idée, contre la marche du monde. Et leurs interprètes sont là pour nous accrocher, sans aucun micro. On retient surtout Boris le faux cynique, campé par l’extraordinaire Thierry Raynaud. Ses intonations tragiquement virevoltantes, son corps sautillant et les blagues qu’il raconte en font une figure fascinante et totalement humaine. Nabih Amaraoui (Legor), Servane Ducorps (Elena), ainsi que Marijke Pinoy, lionne tranquille, et Cédric Eeckhout, le Protassov pragmatique qu’elle traque, composent également des personnages marquants. On suit les histoires amoureuses qu’ils ne s’avoueront jamais, leurs tentatives pour créer… Des chutes de rythme s’invitent dans le deuxième acte, certes. Mais qu’importe : on vibre, lors de ces scènes imaginatives. Sans arrêt au bord de l’immobilisme, mais pourtant vivantes. L’essence de la pièce, sans aucun doute.

Les Enfants du soleil, de Maxim Gorki. Mise en scène de Mikaël Serre. Avec Nabih Amaraoui, Servane Ducorps, Cédric Eeeckhout, Marijke Pinoy, Thierry Raynaud, Bruno Roubicek, Claire Vivianne Sobottke. Dramaturgie : Jens Hillje. Scénographie et Costumes : Nina Wetzel. Lumières : Sébastien Michaud. Musique : Nils Ostendorf. Vidéo : Sébastien Dupouey. Assistante à la mise en scène : Céline Gaudier. Durée : 1h45.

Visuels : © Mario del Curto

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