
Martha Argerich et Gidon Kremer à Pleyel : rencontre au sommet
Pour ses 65 ans, le violoniste Gidon Kremer s’(nous) offre le plus beau des présents : un concert unique à la Salle Pleyel. À ses côtés, la Kremerata Baltica et l’immense pianiste Martha Argerich.
Une programmation hétéroclite idéale nous attendait ce soir pour permettre à tous les talents réunis de flamboyer : durant la première partie, l’orchestre fondé par Kremer en 1997 à Lockenhaus s’est illustré à travers un hommage à Glenn Gould. Un projet initié par le violoniste, dans le cadre duquel plusieurs compositeurs ont arrangé des œuvres pour clavier de Bach pour violon et cordes. Les extraits entendus nous ont fait vibrer, entraînés par le jeu si aérien et léger du violoniste, d’une suprême élégance.
Suivait ensuite une composition de 2010-2011 du compositeur géorgien Giya Kancheli, Chiaroscuro pour violon, orchestre à cordes et vibraphone. Une pièce tout en contrastes, qui nous a chavirés, entre tempi lents et envolées dramatiques, pour s’achever dans une dissolution littérale de la musique.
Après l’entracte, soulagement : « la » Argerich est bien là. Contrainte d’annuler le second concert prévu à Pleyel avec ses amis de Lugano pour des raisons de santé, la fougueuse pianiste à la crinière vif-argent sait se faire désirer, elle qui se produit désormais essentiellement entourée d’amis. Gidon est de ceux-là, avec qui elle a commis des enregistrements retentissants. Ce soir, la Kremerata lui donnait la réplique dans le Concerto numéro 1 de Chostakovitch pour piano et trompette. Quand Martha Argerich s’empare du clavier, avec son impétuosité et sa précision coutumières, son public est conquis. Difficile de résister à la puissance maîtrisée de ses attaques et à son aisance insolente.
Pour finir, Gidon Kremer les a rejoints pour interpréter des extraits de la musique originale composée par Leonid Desyatnikov pour le film The Target de Zeldovich. L’occasion d’admirer une fois de plus la complicité qui lie Argerich et Kremer, manifestement enchantés d’être réunis sur scène, tout à leur joie communicative de jouer. Martha restera même sur scène contempler le bonheur de Gidon lorsque, en guise de second rappel, il se laissera aller à un « Joyeux anniversaire » aux accents slaves endiablés…
Standing ovation finale pour ces virtuoses qui nous ont fait rire et pleurer. Bravo !
« Le son n’est pas une fin en soi et je cherche autre chose que le bel canto. Mon violon est certes mon plus proche compagnon, mais le plaisir que je trouve à le jouer, pour intense qu’il soit, est assez réduit en regard de l’immensité des joies que m’apporte la musique. » Gidon Kremer
Visuels : © Sasha Gusov / ECM Records