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L’interview de Nafissatou Diallo : c’est un beau roman, c’est une belle histoire

L’interview de Nafissatou Diallo : c’est un beau roman, c’est une belle histoire

27 July 2011 | PAR Morgane Giuliani

La chaîne d’information en continu du groupe Canal +, I-télé,  a frappé fort en diffusant en exclusivité ce matin à 8 heures la première interview de Nafissatou Diallo, la femme de chambre du Sofitel de New-York, et victime présumée de Dominique Strauss-Kahn, ex-directeur du Fonds Monétaire International et ex-Ministre de l’Economie, des Finances  et de l’Industrie sous le gouvernement de Lionel Jospin à la fin des années 1990.

En association avec l’hebdomadaire d’actualité américain Newsweek, ABC News a obtenu la première interview de Nafissatou Diallo depuis le début de l’affaire. Un petit rappel des faits :  le 14 mai dernier, Dominique Strauss-Kahn est arrêté par la police de New-York  l’aéroport JFK, voulant l’interroger sur “un incident survenu dans un hôtel de la ville”. Il est transféré au Special Victims Unit, une unité spéciale du NYPD située à Harlem qui enquête sur les crimes à caractère sexuel. Le lendemain, il est inculpé d’agression sexuelle, tentative de viol et séquestration. Il démissionne de son poste de directeur du Fonds Monétaire International le mercredi 18, et est placé en détention surveillée le lendemain, après que sa femme Anne Sinclair ait payé la caution d’un million de dollars. A l’audience du lundi 6 juin, il plaide non-coupable. Fin juin, des doutes apparaissent sur la crédibilité de son accusatrice, soupçonnée d’avoir menti sur plusieurs aspects de sa vie passée, affaiblissant le dossier de l’accusation. Le juge finit par lever l’assignation à résidence de DSK.

Face au déballage médiatique retournant leur veste et faisant peser de lourds soupçons sur la véracité de son passé et de son témoignage, Naffisatou Diallo décide de cesser de se cacher, et d’accorder une interview à Newsweek et ABC News pour donner sa vision de l’affaire.

Dans cette courte interview d’à peine 3 minutes, la journaliste américaine Robin Roberts, co-présentatrice du morning show culte “Good Morning America” explique que Nafissatou Diallo a tenu à réaliser cette interview pour “mettre un visage sur cette histoire” et du fait que “le procureur ne sait pas encore s’il va demander la poursuite des charges”. Fidèle au sensationnalisme à l’américaine, elle annonce : “c’est un pas en avant délicat et risqué, qui pourrait complètement chambouler le cours de l’affaire”. Pour dramatiser encore un peu plus, DSK est présenté par la suite comme ayant été l’un des “hommes les plus puissants au monde” lorsqu’il était à la tête du FMI, et elle affirme qu’il était engagé “dans la course pour être le prochain président de la France”, ce qui est faux car DSK, alors tenu à la neutralité politique de par sa fonction, n’avait encore émis aucune déclaration officielle à ce sujet.

L’interview n’est pas diffusée de manière continue, seulement des extraits sont montrés, entrecoupés de commentaires de la journaliste. Elle débute par le récit très animé de Nafissatou Diallo des faits, rapportant dans quelles circonstances elle est tombée nez à nez avec DSK. Le plan suivant montre la jeune femme (32 ans) marchant librement dans New-York, à visage découvert. Puis la journaliste lui demande si elle avait connaissance de l’importance de DSK avant l’affaire, Naffisatou Diallo répondant par la négative et pleurant un peu plus loin, racontant sa peur. D’un ton plein de compassion, la journaliste, l’appelant “Nafi”, lui demande ce qu’elle craignait. Elle lui répond qu’elle était persuadée au lendemain de l’arrestation qu’elle allait être tuée, car c’est comme cela que ça se passe dans son pays d’origine, la Guinée.

Ensuite, la journaliste rappelle les derniers faits en date : le procureur hésite à maintenir les charges contre DSK, après les révélations sur les mensonges de Nafissatou Diallo pour entrer aux Etats-Unis et les incohérences dans son témoignage l’ayant décrédibilisée, et entraîné la fin d’assignation à résidence de DSK. L’interview met finalement en avant l’aspect combatif de la présumée victime, clamant avec détermination : “Je veux que justice soit faire, je veux qu’il aille en prison. Je veux qu’il comprenne qu’il y a des endroits où l’on ne peut pas utiliser son argent, et que l’on ne peut pas utiliser son pouvoir dans des cas comme ça”.

Quant aux doutes sur sa crédibilité, la journaliste reprend les rumeurs à son compte, lui demandant frontalement si elle est une prostituée. Ce à quoi Nafissatou Diallo répond par la négative, en larmes, disant que “jamais de sa vie on ne l’a appelée comme ça”, terminant par “Dieu est  témoin que je dis la vérité. Du fond de mon cœur”, bien qu’elle reconnaisse avoir commis des “erreurs”.

Si l’interview permet de mettre un visage sur l’accusatrice, elle ne parvient pas à changer la perception de l’affaire : Nafissatou Diallo est toujours montrée comme la femme de ménage se dressant avec courage contre le système, tandis que DSK semble être l’homme puissant faisant tout pour se tirer d’affaire. Stephen Dreyfuss, avocat new-yorkais et ancien substitut au parquet de New York, explique sans détour au Point qu’il s’agit d’une “démarche risquée”, pouvant fragiliser d’avantage sa position si des “différences significatives” avec ses précédents témoignages sont constatées.

Une affaire qui est d’ailleurs racontée à la façon d’un épisode de Dallas, pleine de rebondissements inattendus, où des intérêts importants sont en jeu, des personnages singuliers s’affrontant sans pitié. Cette mise en scène perpétuelle peut parfois gêner, et l’on se demande si Nafissatou Diallo, placée dans un climat de confiance matinée de compassion par la journaliste, ne s’est pas sentie “obligée” d’en faire un peu trop, ce que certains ont pu lui reprocher, les avocats de DSK en première ligne. Suite au prochain épisode.

 

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Morgane Giuliani

2 thoughts on “L’interview de Nafissatou Diallo : c’est un beau roman, c’est une belle histoire”

Commentaire(s)

  • j’aimerais dire tout simplement:DSK signifie Drogue-Sexe-Kidnappe

    July 28, 2011 at 17 h 58 min

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