
“Accusations”, retour dans la boîte noire d’Ann Van den Broek
En 2015, nous avions été percutés de plein fouet par The Black Piece de la chorégraphe belge. Depuis, elle passe en coup de vent à Paris et ailleurs. Jeudi 12 avril, nous avons enfin pu, au Théâtre de la Cité internationale, nous replonger dans son univers noir et blanc. A voir vendredi soir à 20H30.
Boîte noire. Un petit carré ourlé de néons. Six danseurs. Une marche. On peut imaginer que le brief du spectacle pouvait être celui-ci. Accusations est un cri. Tour à tour, les danseurs s’avancent, en file indienne. Chacun va dire quelque chose. Dire, cela signifie exprimer par un son, un souffle, une chanson… Le texte au départ porté par Ann Van den Broek raconte le malaise, les difficultés à se faire réellement comprendre. Il y a du Sarah Kane et du Peter Handke dans le verbe.
Sur une musique live faite de pulsations techno, chaque round est un geste. Un haussement d’épaule, une tête qui se penche, un déhanché, un pas croisé… L’affaire est totalement hypnotique et saisissante. Dans ce procès chorégraphique, la beauté surgit dans la rigueur du noir et blanc renforcé, comme toujours, par la vidéo qui augmente ce que l’on voit.
Le rythme est militaire et la danse au cordeau. Tout doit être égal, sinon tout foire. Les images sont folles, extrêmement cinématographique. Il y a ces visages qui nous apparaissent violents puis doux. Les cris sont étouffés ou renforcés. C’est la force de cette écriture : associer une permanence de geste et venir le transformer en autre chose.
Plus la pièce avance, plus la peur naît
Nous entrons dans l’esprit de Louis Combeaud, Grégory Frateur, Nik Rajšek, An Hackselmans, Wolf Govaerts, Laila Gozzi, Frauke Mariën et Johanna Sweer, tous très différents mais tous très puissants dans une attitude féroce.
Plus la pièce avance, plus la peur naît. Ann Van den Broek nous ramène toujours à nos nuits, celles de cauchemars. Il faut se laisser faire, dans un geste presque SM. La marche dont le son est renforcé par les chaussures à talons des danseurs et par le caisson sur lequel ils passent devient un martèlement.
On entend : “La répétition est addictive, l’addiction est répétitive.” Dieu que c’est vrai. On a envie encore de les voir s’avancer jusqu’au socle comme s’ils étaient sur un train fantôme. Le glamour croise la colère, la crainte et la beauté. Accusations est un choc à voir ce soir, et uniquement ce soir, , vendredi 12 avril, au Théâtre de la Cité internationale.
Visuel : © Maarten van den Abeele