« Richard III, Loyaulté me lie » : monde inquiétant où se mêlent talents, poésie, fureur
Jean Lambert-wild, toujours armé de ses outils de clown, affronte la figure du roi anglais meurtrier du XVe siècle, peint par William Shakespeare dans sa pièce célébrissime. Un spectacle créé par une équipe ultra talentueuse, qui fait confiance au travail et aux idées poétiques pour nous donner à sentir, simplement mais sûrement.
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Attention, entrée de l’artiste… dans ses coulisses : le clown de Jean Lambert-wild déboule, et se costume devant son miroir. Il va être le roi Richard III, assassin de sa famille et de bien d’autres, néfaste par vocation. Et il nous explique le programme de la soirée, de la représentation à venir. Deux minutes plus tard, une splendide Lady Anne le rejoint, pour la grande scène de séduction shakespearienne : surélevée et appuyée sur une béquille rouge, le dos plié en deux… Une figure insolite et triste, qui déjoue tous les pièges de la lourdeur. Celle qui l’incarne, la magnifique Elodie Bordas, va renvoyer la balle à notre Richard, et nous entraîner vers des mondes inquiétants.
D’emblée, on va retrouver, dans cette nouvelle création de Jean Lambert-wild, quelque chose auquel il tient : le travail. Travail intense de notre metteur en scène sur son clown, qui lui permet des fulgurances. Travail grandiose d’Elodie Bordas, qui traverse une multitude de figures : la mère de Richard, rendue sombre et hilarante, la reine Elizabeth, rivale de notre antihéros, le duc de Buckingham, ou un écuyer éploré… On va aussi voir s’inviter des idées, belles, comme ce dialogue avec un ballon condamné à mort – Clarence – ou avec des barbes à papa – le neveu de Richard, héritier du royaume, et son frère – objets sur lesquels sont projetés des visages mobiles. Quatre petits castelets vont s’ouvrir sans arrêt, et nous révéler des surprises. Au milieu des scènes, la poésie surgira. Elle émanera aussi du décor imaginé par Stéphane Blanquet, sorte de tableau vivant peuplé par un labyrinthe de visages et de corps.
De fait, le ton général du spectacle vire vite à l’inquiétant. Les gags, disséminés, font bel effet : Buckingham – Elodie Bordas encore – qui lèche les barbes à papa parlantes entre deux répliques, Richard qui voit sa mère surgir en-dessous de lui… Quelques scènes apparaissent un peu longues, du fait d’un trop-plein de texte et d’images shakespeariennes. Mais on est très heureux qu’à d’autres moments, Richard s’adresse à nous frontalement, de façon burlesque, et pas lourde. Que lorsque les voix digitalisées sont employées, le travail au micro soit apparent. Et que les instruments insérés sur le décor de bois imaginé par Stéphane Blanquet se mettent tout à coup à s’animer, et à jouer un morceau.
Et la figure du roi meurtrier, alors ? On remarque que ce Richard III là fait tout lui-même : exécution de son frère Clarence – il se masque – exécution du chambellan Hastings, façon fête foraine… Son caractère emporté envahit la scène. Par opposition, les passages de séduction font transparaître son côté sentimental, assez brut. La traduction de Gérald Garutti, au diapason du versant brut du héros et du jeu physique, nous accroche. Et certaines images, telles la métaphore de l’anneau dans la scène avec Lady Anne, sonnent. Malgré la sobriété des effets, fureur et emportement se manifestent. C’est que le spectacle sait faire confiance aux artistes, et à leur talent, pour nous étonner. On le remercie grandement.
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Pour plus de détails sur la conception de Richard III, Loyaulté me lie , consultez le Carnet de bord de la création, ici.
Les dates de Richard III, Loyaulté me lie après Limoges : à Lyon du 3 au 6 février (Théâtre Nouvelle Génération) ; à Bruxelles du 24 au 26 février (Les Halles de Schaerbeek) ; au Havre du 1er au 11 mars (Le Volcan) ; à Compiègne les 22 et 23 mars (Espace Jean Legendre) ; à Marne-la-Vallée les 9 et 10 avril (La Ferme du Buisson) ; à Monthey (Suisse) du 10 au 14 mai (Théâtre du Crochetan) ; à Cergy-Pontoise du 24 au 26 mai (L’Apostrophe) ; à Paris du 3 novembre au 4 décembre (Théâtre de l’Aquarium).
Richard III, Loyaulté me lie, d’après William Shakespeare. Un spectacle de Jean Lambert-wild (direction, jeu, scénographie, traduction), Elodie Bordas (jeu), Lorenzo Malaguerra (direction), Gérald Garutti (direction, traduction), Stéphane Blanquet (scénographie, décor), Jean-Luc Therminarias (musique), et de leurs collaborateurs… Durée : 2h10. Au Théâtre de l’Union de Limoges – Centre Dramatique National du Limousin jusqu’au 29 janvier.
Visuels : © Tristan Jeanne-Valès