« Lorenzaccio » à Versailles : souffle, jeunesse et plaisir
Quinze comédiens confirmés réunis sur scène, pour une vision dynamique du classique d’Alfred de Musset. Une mise en scène sans effets appuyés, présentée, pour ses premières dates, au Théâtre Montansier de Versailles, puis visible en tournée.
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Reconnaissons de l’ambition à Gérald Garutti pour s’attaquer à Lorenzaccio, sans coupes de texte qui plus est. Ce tableau de la tyrannie exercée sur la ville de Florence, au XVIème siècle, sous l’impulsion de l’empereur Charles Quint et du Pape, reste encore difficile à porter sur le plateau. Réjouissons-nous, déjà, que le spectacle évite totalement l’illustration. On aime qu’il fasse confiance aux comédiens et à leur souffle pour figurer les lieux, plutôt que de s’encombrer de décors. Cette épure fonctionne : on se concentre sur le jeu. Et on redécouvre certaines scènes : la proposition, par exemple, faite à Philippe Strozzi (Claude-Bernard Pérot) de revenir à Florence pour mener la révolte, alors que le vieil homme se recueille sur le cadavre de sa fille empoisonnée. Philippe se mettant à parler de l’Italie, patrie que ses citoyens doivent respecter, et ne pas défier…
Surtout, le spectacle a un côté jeune. Ainsi Alexandre le tyran (Maximilien Seweryn) est-il énergique et impulsif, sans que son interprète force la diabolisation. On sent également ce souffle lors des scènes de foule, où la vie qui agite la ville apparaît. Lors de ces passages, lourdeur ou jeu trop psychologique sont évités : quand Lorenzo (Stanislas Roquette), qui s’apprête à tuer Alexandre, livre son fameux monologue, les personnages qu’il décrit entrent sur scène, et se livrent avec lui à un ballet imaginaire. On aime aussi les quelques détails saugrenus qui s’invitent, comme ces deux photographes, excellement joués, qui interviennent lors des scènes de rue.
Certains moments de jeu trop en force, où la langue d’Alfred de Musset reste à terre, ne gâchent pas la tenue générale du spectacle, qui arrive le plus souvent à nous accrocher. On retient surtout ce tableau de la ville de Florence, à la fois vibrante et concentrée – il est figuré plusieurs fois que tout le monde y écoute tout le monde – au milieu duquel Olivier Constant compose un Cardinal Cibo affreusement pragmatique. Visitez donc ce lieu de rêverie romantique.
Les dates de Lorenzaccio après Versailles : à Suresnes (Théâtre Jean-Vilar) du 6 au 8 mars ; à Marseille (La Criée) du 2 au 4 avril.
Lorenzaccio, d’Alfred de Musset, mise en scène de Gérald Garutti. Avec Pauline Coffre, Olivier Constant, Païkan Garutti, Louise Herrero, Mathias Marty, Léonard Matton, Nine de Montal, Maxime Pambet, Claude-Bernard Pérot, Matthieu Protin, Anne Raphaël, Stanislas Roquette, Yves Roux, Maximilien Seweryn, Elie Triffault. Et un choeur de quinze comédiens amateurs. Durée : 2h45 (plus un entracte de 20 minutes). Au Théâtre Montansier de Versailles jusqu’au jeudi 12 février.
Visuels : © Cosimo Mirco Maglioca