
Preparatio Mortis, l’appel à la vie de Jan Fabre
Dernier solo de la semaine consacrée à Jan Fabre au T2G à Gennevilliers, « Preparatio Mortis » a impressionné par sa vitalité ardente et combative qui tend à repousser la mort. Une sidérante beauté plastique et une corporalité exacerbée sont les éléments fondateurs d’une performance chorégraphique créée par l’artiste belge en 2005, après la mort de ses parents, pour et avec la danseuse Annabelle Chambon, fidèle à la compagnie Troubleyn depuis 2000 et interprète entre autres dans L’Histoire des larmes ou L’Orgie de la tolérance.
La pièce commence dans le noir complet à l’écoute hypnotique de l’orgue de Bernard Foccroulle et ses accords solennels et tonitruants. Dans une lumière tenue, se dévoile un tapis de végétations en mouvement. Ce démarrage trop esthétisant paraît d’un kitch un peu ridicule. Mais dès qu’apparaît l’impressionnante Annabelle Chambon, sa danse brutale et vivifiante, organique, orgasmique, tout en déséquilibre, en frissons, en tensions et torsions donne une intensité inouïe à la représentation.
Le plateau est jonché de fleurs coupées. Elles renvoient aussi bien aux cérémonies funèbres qu’à une nature fertile et nourricière. La danseuse les piétine, les mange, les étreint, les envoie valser, les saccage. Dans sa transe dévastatrice, la danseuse fait entrer en conflit la vie et la mort, la jouissance et l’épreuve, exprimées avec une violence et un souffle incroyables. Elle se dépasse, repousse les limites, atteint l’extrême pour mettre à distance l’inexorable et lutter contre la finitude. Lorsqu’elle se trouve piégée à l’intérieur d’une tombe de verre d’abord dissimulée derrière de hauts glaïeuls blancs, c’est là encore avec une énergie vitale qui coupe le souffle que la danseuse se meut et graffite le petit espace. La pièce est un appel à la vie, un combat, une résistance à la mort, féroce et magnifique.
Photo © Wonge Bergmann