
Nina au théâtre Edouard VII, à la découverte d’André Roussin
Actuellement, au théâtre Edouard VII, c’est un trio dynamique, composé de têtes d’affiche de choix, Mathilde Seigner, François Berléand et François Vincentelli, qui nous offre l’opportunité de découvrir un auteur peu connu dans une pièce authentiquement drôle: Nina
[rating=4]
Quelques mots sur l’auteur:
André Roussin (1911-1987) était quasiment inconnu du public parisien avant la Libération, c’est
essentiellement à Marseille qu’il codirige et joue dans la troupe du “rideau gris”. En 1947 c’est la consécration avec “La petite hutte” qui sera jouée 1500 fois au théâtre des Nouveautés puis reprise dans le monde entier. il reste pourtant confidentiel à notre époque et ce fut une vraie gageure pour Bernard Murat, le metteur en scène, de ressusciter cette oeuvre, un vaudeville certes mais où le soin est mis sur l’intelligence du texte, la précision de l’intrigue, ce refus du théâtre du sérieux qui caractérisait Roussin et un choix judicieux de comédiens pour aboutir à une oeuvre d’excellence, défi relevé par Murat en nous proposant des comédiens-acteurs populaires dont le talent est reconnu de manière quasi-unanime.
Nina, le jeu de l’amour et du hasard:
“Nina” c’est avant tout une comédie de boulevard avec le trio classique: la femme, le mari et l’amant. Si on peut reprocher, en général, au vaudeville une comique de situation c’est ici dans le texte que l’humour se distille au long du spectacle. Des petites répliques tranchantes, voire presque poétiques: Adolphe: “Le Contribuable, pour nous c’est un grand C. Oui, une majuscule voilà tout! Nous travaillons avec des mots, “Matière imposable”, “échelon”, “retenue à la source” …Je veux bien qu’il y ait dans cette dernière formule une image d’une certaine fraîcheur”
C’est aussi un théâtre de l’absurde, Gérard, l’amant, attend Nina pour lui annoncer leur rupture, c’est finalement Adolphe, le mari, qui fait irruption pour tuer Gérard mais qui finit, par admiration pour son rival par éprouver de la sympathie pour lui. C’est finalement lui, hypocondriaque et malade qui subit la colère de Nina qui l’accable de reproches et d’humiliation, Adolphe qui, héroïque au début dans sa détermination devient ridicule et méprisable jusqu’à renoncer à Nina. C’est l’absurde de la mort également, Adolphe vient tuer Gérard, Adolphe envisage de liquider Nina et finalement lui-même, tout au long de la pièce il s’agira, entre autre, de savoir qui va tuer qui et comment. On note l’excellent jeu de Berléand dans le rôle d’Adolphe, son talent s’exprime notamment par un redoutable jeu de faciès et d’expressions qu’il maîtrise totalement.
“Gérard: on a décidé de vous tuer!
entre Nina
Nina: Me tuer moi? Pour quoi faire?
Gérard: pour échapper à votre charme
Nina: C’est Adolphe, je suis sure, qui a eu cette idée.
Gérard: Oui. Lui même.
Nina: Eh oui! Naturellement, Tu devrais mettre une robe de chambre si tu ne restes pas au lit, sinon tu vas prendre froid et finalement, de nous trois, c’est toi qui sera le mort.
Une pièce où les perles s’enfilent, à découvrir au Théâtre Edouard VII
Visuels: Emmanuel Murat