Théâtre
<em>Le sytème de Ponzi</em>, le jazz au service de la classieuse arnaque

Le sytème de Ponzi, le jazz au service de la classieuse arnaque

01 February 2012 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Comme à son habitude, le jazzman David Lescot impose un rythme de scat à ses mises en scène. Ici, il regroupe une troupe de haut niveau pour nous raconter avec précision la vie de stupre de Carlo Ponzi, (1882-1949) devenu Charles Blanci puis Charles Ponzi, magnat attachant de la petite arnaque et habitué des séjours sordides en prison incarné par un Scali Delpeyrat efficace.

“Il nous faut un personnage”, la sentence aurait pu être inscrite en frontispice du Théâtre des Abbesses. L’homme de la situation, c’est un immigré Italien, qui a pris le bateau en direction du Nouveau Monde au siècle dernier, avant la Première Guerre Mondiale, avant le krach Boursier. Carlo, c’est combines et compagnie avec un lien paternel aux timbres. Son papa était ” postier-parmesan”, c’est dire. Sa maman, veuve depuis longtemps porte le deuil de façon permanente et contrôle la vie de sa progéniture en direct de la vielle Europe. Du côté des USA, celui qui inspirera Madoff met en place ce qui sera nommé à posteriori dans les manuels d’économie ” la chaîne de Ponzi”, un principe de détournement des coupons réponses internationaux donnant naissance à un circuit frauduleux “qui consiste à rémunérer les investissements effectués par les clients, au moyen essentiellement des fonds procurés par les nouveaux entrants”. Passons.

Sur scène, c’est un “Opéra parlé” comme aime à le nommer l’auteur associé du Théâtre de la Ville. Nous parlerons plutôt d’une improvisation de jazz. Les notes sont des voix et des instruments. Les dix comédiens-musiciens campent quatre-vingt-sept figures symboliques de l’Amérique du début du Vingtième siècle. Des mamas, des banquiers, des truands, des joaillers… toutes les cultures se côtoient dans ce Boston-là.

Le rythme est imposé par le décor composé de nombreuses tables supports à l’imaginaire. Sous nos yeux elles sont boite de nuit, bateau, prison, bureau…. les chaises sont tribunaux, tramway, salle d’attente… Le son accompagne le geste : une utilisation pertinente du reverb dans une cathédrale, un trombone bien mené nous fait entrer au port…

L’ensemble dessine une fresque historique verbale et musicale, David Lescot insiste sur les évènements, ralentissant parfois pour appuyer une transition dans la vie du anti-héros avec une élégance infinie. Les tableaux s’enchainent sans fausse note nous faisant traverser l’épopée d’une vie. Les alternances de personnages sont imperceptibles et pourtant limpides. Les changements de costumes sont nombreux sans être flagrants, tout se passe dans une fluidité propre au fil des jours. “Le système de Ponzi” offre au public un cours de théâtre en mettant sur scène des comédiens excellents. Pour ne citer que les dames, on retrouve avec joie Marie Dompnier, révélation du festival Villeneuve en Scène 2011 dans une formidable Seconde surprise de l’amour. Sa voix cassée et son jeu aux accents décalés siéent aux rôles d’infirmière en manque de peau dont Ponzi est amoureux et à l’assistance sicilienne qui maitrise la loi du secret. Elle partage le plateau avec Odja Llorca qui a le visage et la talent de sa mère, Anne Alvaro, mais une voix grave et un talent de chanteuse bien à elle. Dans cette grande famille, on accueille aussi Cécile Millat-Baumgartner qui avait réchauffé le public d’un Strip-tease très sexy en 2010. Élisabeth Mazev aussi, muse d’olivier py que nous avions tant aimé dans le Visage d’Orphée et le Soulier de Satin. Belle distrib.

Le système de Ponzi dénonce les malversations économiques actuelles par le biais original de la fresque historique, si la première partie du spectacle entre doucement dans le souffle, la seconde est éblouissante jusqu’à l’image de fin, plastique et spectaculaire.

@ Pascal Victor/ArtComArt

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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