Le manteau de Gogol, farce émouvante à l’Opprimé
Serge Poncelet a lu Le Manteau de Gogol. Il a tout compris et restitue le texte et son esprit dans une cruelle farce mise en scène à la Chaplin. Son talent pluriel est merveilleux.
Le modeste sans revanche
Akaki Akakiévitch Bachmatchkine est un employé modeste, mais exemplaire. Son unique joie, la répétition et l’imitation. Il n’est rien et souhaite le rester. Petit fonctionnaire, il recopie des documents du matin au soir. Sa seule ambition serait de ne connaître aucune rupture à un rythme monotone, mais égal. Sauf que sa loyauté à un monde qui se fait sans lui sera bouleversée lorsqu’il devra remplacer son manteau rapiécé et décrépit. Akaki Akakiévitch, devra revenir au monde, se socialise pour un nouveau manteau et pour son attrait. Ce mouvement va enclencher une spirale qui le mènera à l’anéantissement. Car déjà au milieu du 19e siècle, la bureaucratie et son appareil tentaculaire envahissaient les esprits au risque de broyer qui ne s’y soumettait pas. Bachmatchkine croira tenir sa revanche devant la pauvreté. Mais la fatalité de son destin misérable s’abattra sur lui.
Un Charlot amer et sombre
Serge Poncelet joue de son talent pluriel. Il associe naturellement le personnage de Akaki Akakiévitch Bachmatchkine avec celui du clochard de Charlie Chaplin. Et ce lien est épatant. Le comédien par son jeu évoque Charlot et il mime, grimace, explique, raconte, danse, singe la misère. Il offre sa voix et son corps pour incarner la lame tranchante de l’indigence qui déchire ; et formidable comédien, il bouleverse et fait rire son public.
Ce manteau est un incontournable à (re)découvrir. Il vient aussi nous rappeler que l’un des plus grands écrivains russes fut ukrainien. Le spectacle de haute qualité imaginé par Serge Poncelet et Guy Segalen colle fidèlement à cette littérature aigre-douce.
De Nicolas Gogol
Mise en scène Serge Poncelet et Guy Segalen
Adaptation et jeu Serge Poncelet
Traduction Eric Prigent
Scénographie Serge Poncelet et Guy Segalen
Peinture toile Anne-Marie Petit
Crédit photo ©Guy Segalen