Théâtre
La mouette de Anton Tchekhov par Brigitte Jaques-Wajeman

La mouette de Anton Tchekhov par Brigitte Jaques-Wajeman

12 February 2023 | PAR David Rofé-Sarfati

Brigitte Jaques-Wajeman quitte Racine son auteur de prédilection pour mettre en scène Tchekhov. C’est beau et littéraire.

 

Un théâtre de la subjectivité

Trigorine  pêche le succès comme d’autres des poissons. Venu avec sa femme comédienne rendre visite à la campagne à la famille de celle-ci, il s’éprend de la fière et libre fiancée de son beau-fils, Nina. Sur place, il pousse ainsi le jeune homme à attenter à ses jours et en partant il enlève la jeune Nina. Cette dernière qui le suit à la ville pour devenir comédienne, entre dans une liaison qui la fait passer de jeune fille libre se baladant au bord d’un lac à “mouette” prisonnière et bientôt abattue sur le bitume.

Le théâtre de Tchekhov vient toucher en nous quelque chose de très intime, d’extraordinairement subjectif. Brigitte Jaques-Wajeman ne nous fait mesurer comme aucun autre dramaturge l’intensité, l’étrangeté, la fragilité de nos vies, de nos amours, de nos rêves. Dans La Mouette, tout part du théâtre. Acteurs ou spectateurs, les personnages en attendent quelque chose d’essentiel, pour eux-mêmes et pour le monde. L’amour, la vie et l’art sont inextricablement liés.

Le texte, le texte, le texte.

La Mouette raconte des personnages qui se débattent avec leurs rêves, leurs désirs et leur incapacité à les réaliser, se confrontant à leurs limites et leurs faiblesses. Tous sont épris d’art et d’absolu, mais, comme tout être humain, tous font des petits arrangements avec eux-mêmes. Nous ressentons le désespoir de ces êtres égoïstes et seuls, luttant sans vigueur contre le silence, les silences de l’autre.

Le hors champ présent continuellement ajoute à la déréliction des êtres. La scénographie épurée et le jeu contenu des comédiens rompent avec Phèdre de la même metteuse en scène. Brigitte Jaques-Wajeman ignore l’univers slave et c’est dans un hors temps que nous savourons le texte. 

Jamais nous n’avons aussi bien entendu les mots de Tchekhov qui s’incarnent par le dispositif de la mise en abîme du théâtre et par la poésie mystique de cette mouette morte, plus que par les corps eux-mêmes.  Brigitte Jaques-Wajeman a pris des risques payants. Elle invente encore. Son Phèdre était sensuel. Son Tchekhov est littéraire. 

 

LA MOUETTE 

DE ANTON TCHEKHOV MISE EN SCÈNE BRIGITTE JAQUES-WAJEMAN

AUX ABBESSES

jusqu’au 25 Février 

AVEC PASCAL BEKKAR, PAULINE BOLCATTO, RAPHAÈLE BOUCHARD, HÉLÈNE BRESSIANT EN ALTERNANCE AVEC SOPHIE DE FÜRST, SOPHIE DAULL, VINCENT DEBOST EN ALTERNANCE AVEC LUC TREMBLAIS, TIMOTHÉE LEPELTIER, RAPHAËL NAASZ, FABIEN ORCIER, BERTRAND PAZOS

Crédit Photo Gilles Le Mao

The one dollar story : l’histoire de Jodie.
La Veilleuse, Cabaret holographique : un ballet d’hologrammes où l’absence danse avec les émotions
David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration