Italienne Scène, Sivadier en état de grâce au Off d’Avignon
Quand un jeune metteur en scène s’empare du texte le plus drôle de Jean-François Sivadier, et que ce dernier donne sa bénédiction, on court avec raison se tordre de rire et s’étouffer devant le jeu délirant et juste de la Compagnie Théâtre de l’Epopée dans une (première !) mise en scène impeccable de Victorien Robert auréolé du Prix du public Théâtre 13 en 2011.
Une italienne est un filage sans jeu au théâtre, juste le texte. Ici, un metteur en scène angoissé, Antoine Markowsky (Mathieu Alexandre) s’empare de La Traviata, la star de l’Opéra, celle qui est montée tout le temps au mépris des autres. Quelle folle idée pour un jeune metteur en scène de vouloir s’emparer d’un tube… il est malade ! Les ennuis commencent vite… La star n’est pas là, les répétitions se font sans la diva. Couac ! C’est alors, sans elle que le travail se fait, bien évidement bancal, sujets de fous-rire évidents pour le public. Sur scène nous avons toutes les figures tutélaires d’un bon opéra : un chef d’orchestre vengeur (Thomas Nucci) qui dirige un chœur (nous public !), une jeune chanteuse qui doute (Elise Noiraud), un ténor sûr de lui (Benjamin Brenière),une pianiste allemande ( Katia Ghanty) et une assistante-comédienne-qui-fait-tout ( Maud Ribleur).
Ils sont bons à en pleurer, enfin, dans la vraie vie, parce que les comédiens qu’ils campent sont plutôt drôlement pitoyables. Ils jouent la caricature avec succès. Chacun y va de son idée brillante pour agrémenter la mise en scène, ici un verre d’eau, là des camélias en plastique, tout cela Antoine Markowsky n’en est pas “fou”. Faisant théâtre de tout bois, d’un départ inopiné d’une dame, il lance “elle avait rendez vous chez le dentiste”, d’un moustique” Benjamin Brenière s’inspire : “il est dressé”, la troupe, la vraie, la fausse, ne cesse jamais de jouer. Elise Noiraud effraie de son talent monstre, en lançant au metteur en scène des regards d’aliénée.
Italienne scène nous fait entrer dans le processus de création d’un spectacle. Tout y est vécu ou presque, du réglage des lumières au “il reste huit jours” hurlé. Les références fusent, de Pina Baush à Beckett, faisant de la pièce un hommage et une déclaration d’amour au théâtre. Artaud s’y promène aussi, avec des répliques cultes : “Pas de conversation sur un plateau, la parole est un acte !”. Dans une direction imagée, les comédiens doivent se saisir de leur personnage, “le brandire comme une marionnette et le soumettre à la critique”.
On entre dans leur folie portée par une mise en scène qui repose sur une inversion de l’espace scénique. Nous sommes en fond de scène, jardin est à l’inverse de cour. Le rideau se lèvera dans une avant-scène retirée. La question posée est : qu’est ce qui fait que deux spectateurs n’ont pas le même ressenti d’un spectacle ?”. Le jugement d’une œuvre, en quelques minutes, alors qu’elle a été créée en plusieurs mois les rend hystériques à raison. Les idées fusent à chaque seconde, provoquant des rires en rafales.
Cette parodie nous donne accès à ce que créer veut dire, à la tension du temps manquant, à l’impossibilité de l’être “ensemble”, au rêve commun.
Italienne scène est une expérience démente, la troupe ( la vraie ) réussit à adapter le texte que Sivadier avait pourtant pensé pour des comédiens en particulier.
Merci pour le rire ! Bravo pour le jeu !
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