Théâtre
Hortense Belhôte fait la révolution à l’Espace 1789

Hortense Belhôte fait la révolution à l’Espace 1789

15 March 2023 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Depuis maintenant dix ans, Hortense Belhôte professe avec un humour bien décalé. Il n’empêche que ce qu’elle raconte est toujours très sérieux. Hier soir, elle présentait à l’Espace 1789 Portraits de famille qui s’intéresse aux oublié.es de la Révolution française. Brillant.

“Moi, ce que je fais, c’est de la vulgarisation”

Que ce soit en archétype de fan de lady gaga chez Mark Tompkins ou en spécialiste de Millet avec Gerald kurdian et Marcela Santander Corvalán, elle ne cesse de “vulgariser”. Elle le fait d’ailleurs en dehors des plateaux de théâtre à l’occasion de sa websérie documentaire, diffusée sur Arte “Merci de ne pas toucher” où elle décrypte les œuvres d’art sous un angle queer et féministe. Elle nous attend en bord de scène pendant que le public (la grande salle déborde) arrive plus ou moins calmement. Elle est habillée en footballeuse, peut-être en référence à son dernier spectacle, Une histoire du football féminin qui était présenté la saison dernière au Nouveau Théâtre de Montreuil. Après un bref sondage (“Vous êtes-vous déjà intéressé à votre arbre généalogique ? Avez-vous déjà chanté dans un karaoké ?”…) qui nous met en confiance, elle commence sa conférence espiègle et pop.

“Poke-ancêtre”

Il s’agit d’aller chercher dans l’histoire de la Révolution française les à-côtés, ce que les historien.es appellent la “micro-histoire” rappelle Hortense, elle-même historienne d’art. Ses héros et héroïnes du jour ne sont pas Louis XVI ni Marie-Antoinette, mais Zamor, St George D’Eon, Mme Royale, Madeleine, Claire de Duras… Tous et toutes ont été oublié.es et souvent censuré.es. Le cas du Chevalier d’Eon (NDLR : chère Hortense, je fredonne “Je suis chevalier d’Eon depuis plus de douze heures, ce n’est pas sympa.) est le plus parlant. Il a passé la moitié de sa vie en garçon et elle a passé l’autre moitié en fille, en Geneviève. Et cela était ok. Dans le spectacle, elle nous montre plusieurs archives dont un combat du chevalier, en robe avec Saint Georges ou un portrait de iel à la fois en fille et en garçon.  On comprend au fur et à mesure des exemples que la Révolution était “une parenthèse enchantée” pour les questions de féminisme notamment. Le XIXe a été dans sa succession de lois (suffrage universel masculin, Code civil qui rend les femmes mineures…) le ciment du patriarcat que le XXIe est en train de défaire. Ce que la pièce montre, c’est que ces constructions peuvent être démontées et que les représentations peuvent évoluer comme un Pokémon.

“Là, c’est ma grand-mère”

La pièce mêle grande histoire, micro histoire et histoire intime. En parallèle de ce récit sur le début de l’ère contemporaine, Hortense Belhôte nous raconte son propre arbre généalogique qui lui aussi compte pas mal de branches tombées, oubliées. Des femmes domestiques abandonnées par des puissants. Mais aussi des jolies rencontres, des histoires sans drame. Dans son jeu et dans ses costumes (vous allez mourir de rire), la comédienne oscille entre recherche universitaire et séquences ludiques. À la fin, on maîtrise bien la période, on a ouvert les yeux sur quelques faits que, nous aussi, nous avions oubliés et on connaît bien mieux Hortense Belhôte. C’est un spectacle précis et puissant dont chaque détail est ciselé. Il y a cette idée qui nous touche beaucoup de faire chanter des chansons très populaires à ses héros et héroïnes dans des voix mélancoliques. Ainsi, elle humanise ses oublié.es pour que justement, on ne les oublie plus jamais.

Hier soir, la pièce était suivie de Partie de Tamara Al Saadi, magnifique création sensible et sonore qui a vu le jour au dernier Festival d’Avignon. (Voir notre article)

Portraits de famille sera au Théâtre de l’Atelier du 6 au 27 mai à 19 h.

Visuel : © Fernanda Tafner

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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