Lumière sur Bernardine Evaristo
Depuis 40 ans, l’autrice britannique Bernardine Evaristo ne cesse de questionner la place des hommes et femmes noirs en Grande-Bretagne. Avec deux ouvrages traduits et publiés simultanément aux Editions du Globe cet hiver, la diffusion de sa pensée se poursuit. Et c’est une bonne nouvelle.
Manifesto – guide pour ne jamais abandonner
Le monde de la culture anglaise se souviendra longtemps de cette image, celle de l’autrice Bernardine Evaristo aux bras de la romancière canadienne mondialement connue Margaret Atwood. Elles venaient, toutes les deux, d’être récompensées du Man Booker Prize 2019, le prix littéraire le plus prestigieux outre-Manche : Evaristo pour son brillant roman Fille, femme, autre, Atwood pour sa suite de La Servante écarlate, Les Testaments.
Cette histoire, c’est désormais la sienne. Celle de la première romancière noire à avoir remporté le plus grand prix littéraire de son pays, à 60 ans. Depuis, le monde a changé. C’est pourtant le monde d’avant qu’Evaristo nous raconte dans Manifesto, manifeste pour la persévérance, l’acceptation de soi (et de ses propres erreurs) et la tolérance. Un livre dans lequel l’autrice revient sur sa trajectoire hors-norme pour en arriver là, jusqu’à nous.
Des racines blondes : de l’intelligence de repenser le monde
Les Editions du Globe publient simultanément un roman de l’autrice encore inédit en français jusqu’à maintenant. Et si l’histoire de notre monde n’était pas tout à fait celle que nous connaissons ? Et si ce n’était pas les hommes blancs qui avaient remportés le lead dans la course à la domination du monde, mais les hommes noirs ?
Des racines blondes est un récit uchronique dévastateur, parfois d’une cruauté à la limite du soutenable, dans lequel la romancière repense le monde avec un œil décalé pour mettre le doigt sur les atrocités de notre histoire commune. Nous suivons l’histoire de Doris, enlevée à sa famille en Angleterre, royaume renommé pour ses choux, pour être envoyée en Aphrika où elle est réduite en esclavage.
D’abord au service de la fille du Chef Kaga Konata Katamba Ier, elle tente de s’enfuir. Quand elle se refait capturer, elle découvre la vie qu’on réserve aux esclaves dans les plantations. La vie y est affreusement rude. Pourtant dans les quelques rares moments de calme, ils se content des histoires venues des racines blondes… Ceux et celles qui ont connu un ailleurs racontent et l’espoir de revoir un jour la terre des ancêtres grandit.
Des racines blondes est un grand roman, pour ce qu’il dit de nos sentiments et de nos horreurs, comme pour ce que les dominations ont en commun. C’est toute la force de la plume de Bernardine Evaristo, qui mérite amplement la lumière qui lui est aujourd’hui accordée en France.
Manifesto, Editions du Globe, 19,90€, 272 pages
Des racines blondes, Editions du Globe, 23,50€, 320 pages